Les carriers du Petit-Montrouge (30 mai 2008)
Exploitées en partie sur le territoire du 14e ardt., les carrières ont été longtemps la seule et principale activité « industrielle » du plateau s’étendant depuis les limites du Grand Montrouge jusqu’à celles qui nous concerne plus particulièrement : le Petit Montrouge. Afin d’imaginer les lieux, il y a deux à trois siècles, il faut remonter l’ancien chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle – la voie romaine de Lutèce à Orléans - et s’arrêter au carrefour solitaire et silencieux que fait l’avenue Reille , la rue de la Tombe Issoire et la rue Beaunier.
Les Bornes furent sûrement vite trouvées : le plateau est fait d’une pierre exceptionnelle, en banc d’une épaisseur constante sur plusieurs kilomètres. Toute la ville future est enfouie sous quelques mètres d’une terre brun rouge qui donna son nom à Montrouge (Rubeo Monte). Le Plateau défriché portera bientôt de place en place, des trous d’où la pierre sera extraite. D’énormes taupinières bouleverseront le paysage, les chemins se creuseront sous les charrois, le plateau méritera peu à peu son surnom de Plateau de Misère.
Dans son livre : les Promenades dans Paris, écrit par Georges Cain en 1908, l’auteur décrit les alentours de la barrière Saint Jacques ( au croisement des bd. Jourdan et de la Tombe Issoire) comme étant « un coin sauvage, rébarbatif fait de terrains pelés, de sentiers pierreux,
où de loin en loin paissent des chèvres autour de touffes d’herbe rase… Par ci, par là on y trouve de vieux fours à puisard desséchés, et des gamins cherchant des « bêtes » sous les pierres. Ce triste paysage était coupé par d’énormes roues de bois servant à l’extraction de la pierre des carrières. L’été , un semblant de végétation perdurait. Quelques guinguettes accueillaient rapins et grisettes… L’hiver, l’endroit était sinistre"…
Mais le maître du Plateau de Misère était le Carrier. Homme dur et joyeux à la fois, il occupe un des sommets de l’aristocratie du travail parce qu’il exerce le plus dur et le plus dangereux des métiers qui soit. Autour du puits, l’atelier du carrier ou « forme » est élevé pour le chargement des pierres. Le carrier descend par sa lunette, le long de l’échelle de perroquet qui se balance dans un vide allant de 15 à 45 mètres de profondeur ! Il s’éclaire à la chandelle dans les galeries et tranche dans la masse à coup de marteaux à pointe. Il doit se coucher pour détacher un bloc de roche à coup de mail .
Après avoir fait le vide sous lui, le bloc part sur des « roules », puis est poussé jusqu’au trou par des crics nommés « levrettes », arrimé enfin à un énorme crochet de fer en S. Il faut aussitôt « bourrer » le vide de terre jusqu’au ciel de la carrière.
Au dehors, perchés comme des écureuils sur les barreaux en chêne de la roue gigantesque, des compagnons remontent les blocs de pierre. De ces puits et de ces roues, il y en eut une trentaine le long du faubourg Saint Jacques et de la Tombe Issoire et une douzaine près de la route d’Orléans.
Paris fut l’insatiable dévoreuse de ces carrières, tant par les Romains qui l’utilisèrent pour leurs constructions que par ceux qui les remplacèrent au cours des siècles. Nos palais parisiens , nos églises, tous nos monuments de caractère et de nombreuses habitations anciennes et plus récentes, doivent leur existence aux carriers du Grand et Petit Montrouge.
R.R
N.D.L.R. Documentation extraite du numéro24 de la S.H.A. du 14e.
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