Mon quartier, l'été (23 juillet 2008)

 On dit : « Prendre ses quartiers », mais les quartiers de Paris sont-ils à prendre ? Le mien, le vôtre, sans doute plus que les autres, est une vieille connaissance, puisque depuis mon enfance, j’y traîne mes guêtres.

 

Mon quartier, je me le suis approprié en cultivant la patiente flânerie du promeneur. Une présence ressuscite, un parfum s’exhale, comme à travers de vieilles photos oubliées.

 

Le 14 juillet est passé. Ses fusées, se sont éteintes, ou se sont échouées sur les balcons peuplés de quelques curieux. La deuxième quinzaine du mois laisse déjà filtrer les effluves presque fanés d’un été qui ose à peine ouvrir ses fenêtres sur le large : le plein soleil des plages, le ciel de l’océan voué au bleu outremer, le bleu consacré à la nonchalance des cocotiers, coiffés avec le peigne invisible des alizés !

 

Certes, le Petit-Montrouge n’est pas Copacabana, et la place de l’église (Victor Basch pour les modernes) a perdu à tout jamais de son charme désuet, celui d’une place d’un ancien village. Elle le fut cependant, il y a bien longtemps… Alors, lorsque l’imaginaire va bon train, les images renaissent de leurs cendres.

 

Tenez, après la Libération, et les années 45-47, on dansait sur la place. Il y avait même un kiosque à musique. Mais cela n’a pas duré longtemps…

Vite, on est passé à des choses plus sérieuses. « Circulez, il n’y a plus rien à voir ». Les chars à pétrole avaient remplacé les charrettes à traction animale, et le kiosque et la musique sont partis en fumée. La place est devenue un carrefour où s’affrontent les destriers motorisés, pressés d’atteindre l’autoroute du soleil à la porte d’Orléans!

Mais aujourd’hui, où le pétrole se fait rare et cher, peut-être verra-t-on un retour en arrière se faire jour ? Sait-on jamais…

Cependant le charme de mon quartier n’a pas complètement disparu. Qui sait fouiner avec la rigueur d’un orfèvre, découvrira à son insu de petits trésors, qui pour l’œil attentif apparaîtront comme de secrètes merveilles.

 

Tenez ! Passage Annibal, vous pourrez glisser vos doigts sur la margelle d’un vieux puits, à demi masqué par le mur d’une maison. Le silence et l’étroitesse du passage Joanès vous feront dériver le long des rives escarpées d’un Verdon miniature… Quant à la porte de Vanves, vous y rencontrerez l’ombre tranquille du douanier Rousseau, glisser entre les rails du tramway. Le gabelou naïf vous proposera un voyage extraordinaire au sein de la jungle urbaine, peuplée de lions pacifiques et de végétaux fantastiques. Et encore, pourquoi prendre l’avion pour visiter la Grèce, alors que la rue des Thermopyles vous offre l’opportunité d’y séjourner à moindres frais ?

 

Non, le Petit-Montrouge n’est pas le désert que de mauvaises langues tentent de faire croire. Et si la chaleur vous incommode, allongez le pas en direction de la Maison du fontainier, jouxtant rue Cassini, les lunettes astronomiques de l’Observatoire. Là, une atmosphère rafraîchissante, laissée sur les voûtes séculaires, vous rappellera qu’ici, l’aqueduc Médicis avait son terminus et qu’il était le digne héritier du gallo-romain. Un voyage dans le temps, lorsque Paris était encore à la campagne.

 

Alors, en attendant septembre et la douloureuse rentrée, récoltez le bon air en faisant une belle promenade par les rues et les avenues, par les bois et les bosquets, allais-je dire, mais le Parc Montsouris n’en est-il pas le modèle réduit ? Soyez ce promeneur éveillé, attentif. Prenez au Petit Montrouge vos quartiers d’été pour en déguster l’insolite, et cela sans modération.

R.Rillot

06:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Le Petit-Montrouge |  Facebook | |  Imprimer |