Le cinéma "le Mistral" ou les avatars d'un lieu (III) (09 novembre 2008)
Nous terminons le troisième volet (voir l'article précédent) de l’histoire du « Théâtre de Montrouge », et ceci pour la période qui va de juin 1907 à nos jours.
Au début du XXe siècle, le « cinématographe » est en pleine expansion. Les salles de cinéma à Paris passent de 97 en 1914, à 204 en 1920. Ainsi, en mai 1911, une société anonyme est créée ayant pour raison sociale « Ciné-théâtres » dont le siège est situé au 70 de l’avenue d’Orléans et dont l’objet est l’exploitation d’établissements cinématographiques. Pendant la première Guerre mondiale, la salle n’a pratiquement été utilisée que pour des spectacles cinématographiques. Il faudra attendre 1922 pour assister à la renaissance du théâtre de Montrouge. Un certain Gabriel Ténot reprend la direction de la salle, la direction artistique étant confiée à Potié, premier comique. Le théâtre a été entièrement transformé et remis à neuf. La salle compte 600 places. L’orchestre est dirigé par Roger Guttinger et la chorégraphie par Stilson. L’inauguration se fait avec la célèbre opérette « Rêve de Valse ». Germaine Revel de l’Opéra Comique en est la vedette. Ainsi, le théâtre de Montrouge sera dorénavant presque totalement consacré à l’opérette. « La salle est confortable, coquette, aux sièges de velours assorti à la teinte des murs, décorés d’énormes fleurs bleues. La musique légère a trouvé ici son oasis : Offenbach, Reynaldo Hahn, Messager, Lecocq, Maurice Yvain sont les principaux musiciens joués à travers leurs oeuvres. Doit-on ajouter qu’ « en France, l’opérette fut un facteur de démocratisation culturelle, elle a rapproché le public de l’opéra et celui des bastringues »… La renommée du Théâtre de Montrouge se confirme, et dans le quartier Alésia, la popularité de Potié est bien établie.
En 1928, un intéressant essai de décentralisation est expérimenté par le théâtre de Montrouge et le Théâtre des Ternes qui donnent en alternance les succès du boulevard avec leurs interprètes. Marguerite Deval (ici avec le photographe Willy Miche) est ainsi applaudie dans un « Chien qui rapporte », Elvire Popesco et Louis Verneuil dans ma « Cousine de Varsovie », Jane Marnac et Raimu dans « L’école des cocottes », « la Dame de Chez Maxim’s » avec Spinelly…
« le Soir », journal de l’époque,
félicite le théâtre de Montrouge « ce petit théâtre sert la cause théâtrale pour la plus grande joie des Parisiens des boulevards excentriques qui furent trop longtemps traités en provinciaux … ! A la même période, le théâtre Montparnasse tente de pratiquer la même méthode et dans ce domaine on fait appel à des vedettes de l’Opéra Comique.
En juillet 1931, la société du théâtre des Gobelins est propriétaire du théâtre de Montrouge. Cette salle de quartier compte maintenant 685 places. En 1932, le théâtre prend un nouveau tournant sous l’impulsion de son nouveau directeur, Desvouas et le tour de chant est à l’honneur avec la grande Damia.
le théâtre est vendu
Mais hélas, les jours du théâtre de Montrouge sont comptés. Le 6 mai 1932, la société des Gobelins a vendu notre théâtre-concert à Mlle Journo, exploitante de cinéma… A cette date dans le 14e arrondissement, il y a une vingtaine de salles de cinéma. Etait-il bien nécessaire de supprimer cette charmante salle de théâtre ? La mode, sans doute, l’appel d’une autre rentabilité ? On peut déplorer qu’à l’époque il n’y eût aucune aide des pouvoirs publics pour permettre aux théâtres populaires de poursuivre leur mission de décentralisation artistique et d’école du spectacle.
Aujourd’hui, « Le Mistral » avec ses cinq salles, n’a plus rien à voir avec son ancêtre, le théâtre de Montrouge, celui d’une époque où le « boulevard » avait su se faire connaître et reconnaître par « l’avenue d’Orléans ».
R.R – Documentation extraite du N° 45 de la revue de la S.H.A du 1
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