Le bel âge (04 janvier 2010)
de Laurent Perreau
Hautement symbolique, cette relation entre un grand-père (Michel Piccoli) et sa petite fille, Claire 17 ans (Pauline Etienne). Assisterons-nous au traditionnel conflit de générations auquel nous sommes souvent habitués à propos d'une tel sujet ? Celui-ci, a déjà été exploité maintes et maintes fois, souvent éculé, dirions-nous par ses diverses interprétations. Ici, le film de Laurent Perreau va bien au-delà des apparences. Le vrai sujet ne serait-il pas pour l'essentiel la solitude de l'être, dans son rapport à lui-même et à l'autre ? Serions des « étrangers » à toute humanité, incapables d'entrer en « relation » avec nos semblables, conséquence du trop grand écart des cultures, des trajectoires de vie, des différences apparaissant entre les générations, et de tous les sentiments contradictoires, conflictuels vis à vis de notre alter ego ?
Claire, jeune fille très attachante (Pauline Etienne), vit avec son grand-père dans une grande maison vide, à l'abandon, au milieu des bois et près de la mer. On sent une immense solitude dans ces deux êtres, les rapprochant et les éloignant à la fois. Elle, au seuil de la vie - le bel âge - attend de celle-ci qu'elle la comble. Cherchant à plaire, elle accumule l'expérience d'une brutale et incohérente aventure amoureuse avec un garçon de son âge. Ratés assurées jusqu'à la rupture. Seule la passion de la natation pourrait la conduire à se dépasser. Mais là aussi, l'incertitude de son avenir sportif s'installe, jusqu'à la troubler pour sa future réussite. Claire est encore une sauvageonne. Sa révolte est toujours prête à exploser. La cohabitation avec son grand-père s'exprime dans un silence lourd à supporter, parce que la parole y est presque absente en dépit des avances faites par le grand-père, mais celles-ci restent sans réponse. Mutisme quasi permanent qui amène la jeune fille à cette forme de retrait singulier pour la vie. L'âme se délite dans cet enfermement supporté sinon choisi.
Lui, le grand-père, replié sur lui-même, dans la geôle de ses secrets, est poursuivi par la nostalgie d'un amour qui l'amène à prononcer des paroles redoutables à propos d'une femme connue dans la Résistance et pour laquelle il vouait un grands amour : « je l'aimais et je l'ai tuée ». Ainsi, il parcourt les pages jaunies d'un passé, où une douleur lancinante s'exprime avec une sensibilité subtile , masquée parfois par le sourire d'une fantaisie désinvolte. La vie du grand-père s'efface peu à peu dans la pénombre envoûtante d'une grande demeure à l'abandon, château de sable quand la vague prémonitoire de la mort avance pas à pas. Et ses rapports avec Claire montrent un étonnant abîme où les âmes suspendues à leur propre solitude, ne peuvent que s'effleurer, sans s'éprendre l'une l'autre. Cependant, Claire, in fine, aura le geste ultime qui sauve, celui qui réconcilie deux êtres en quête d'un amour réciproque, masqué jusque ici par la brume des secrets.
Sous le signe de la pure sobriété dans les images et de la précision, la justesse des jeux d'acteurs, ce film affiche l'apparition d'une élégance élaborée avec soin, où la pudeur prend une dimension capitale, attitude convaincante, où parfois le désarroi des êtres tient lieu de porte de sortie.
La caméra de Laurent Perreau se veut scrutatrice des arcanes de l'âme, et fait florès dans les scènes d'intimité. Voici un film où la psychologie prend toute son ampleur, et marque avec évidence, la complexité des êtres, face à l'acceptation de cette étrange solitude qui nous habite.
R.R
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