Quand Saint Pierre fait ses comptes (14 décembre 2012)
En fin d'année, les responsables des finances de toutes les paroisses de France scrutent leurs tableaux de comptes avec appréhension. Décembre est le mois où beaucoup de chrétiens font leur chèque pour le denier de l’Église . Pourquoi si tard ? Parce que ceux qui travaillent touchent, pour certains, un double mois en fin d'année. Et tous savent qu'ils faut donner avant le 31 décembre pour bénéficier de la déduction fiscale de la rubrique « dons aux œuvres ».
Cette année, à Saint Pierre de Montrouge, les recettes sont en retard : - 3 % à la fin octobre par rapport à la même période de 2011, en tenant compte de l'inflation. « Jusqu'à présent explique Yves Jouen, le responsable des affaires économiques de la paroisse depuis 2005 (laïc et bénévole), la crise nous avait peu touché. Nous craignons cette fois qu'elle ait des répercussions. Heureusement, les 2 500 paroissiens qui viennent aux messes sont un peu plus généreux à la quête. Le don moyen aux quêtes du dimanche est passé en deux ans de 1,35 € à 1,54 € ». Un montant encore modeste. Au moment du passage à l'euro, l’Église avait fait une campagne de communication pour suggérer de donner 2 € (pour ceux qui le peuvent). C'était en 2002, il y a dix ans. Autre souci, toujours à Saint Pierre de Montrouge, même si 420 familles ont choisi le prélèvement automatique, une étude statistique sur les dons au denier de l’Église vient de révéler que 30 % des donateurs seulement avaient moins de 60 ans. Un signe inquiétant pour l'avenir.
La publication de ces informations dans deux feuilles paroissiales a irrité certains paroissiens... et quelques prêtres. Dans l’Église, on n'aime pas trop parler d'argent. Saint Pierre de Montrouge, comme beaucoup d'autres paroisses, préfère pourtant jouer la transparence. Le budget est publié chaque année, distribué, et disponible sur Internet. Le budget de fonctionnement de la paroisse affiche, en dépenses, un total de 1 400 000 € pour des recettes de 1 100 000 € en 2011. Soit un déficit de 300 000 €, couvert par appel aux provisions, alimentées notamment par le produits de legs, évidemment aléatoires selon les années.
Les dépenses sont surtout des frais de personnel (41 %). La paroisse compte six prêtres, rémunérés 950 € par mois (et qui participent aux frais des repas) et dix salariés laïcs. Suivent les charges pastorales et les frais d'immeubles. La paroisse subventionne très largement les associations qui s'occupent des jeunes : Alesia Jeunes, qui rassemble dans ses locaux, le Centre de loisirs « L’Escale », le scoutisme. Le CEPIJE, centre paroissial initiatives jeunes qui aide les jeunes du quartier en difficulté à réaliser leurs projets. La paroisse a dû ces dernières années dépenser plus d'un million d'euro pour la remise en état de conformité les locaux du 5 rue du Moulin Vert lieu de vie de l'OEPF , lieu de vie qui accueille petits et grands. Une aide rendue possible grâce au soutien financier des « Berceaux du souvenir » l'association qui gère les biens laissés à sa mort par l'abbé Alfred Keller, un prêtre qui travailla toute sa vie au service des milieux populaires, créateur de la « Cité du Souvenir » et de nombreuses œuvres sociales dans le 14e. Il avait demandé qu'à sa disparition, les produits de ses biens reviennent pour moitié à Saint Pierre de Montrouge, pour moitié à Saint Dominique, pour des actions en faveur des jeunes et des familles.
Enfin Saint Pierre de Montrouge participe à la « contribution volontaire de solidarité », ouverte par l'Archevêché de Paris, payée par les paroisses les plus à l'aise, en direction des paroisses en grande difficulté. « Lorsque nous touchons des revenus inattendus importants, précise Yves Jouen, nous aidons aussi, de notre propre chef, des institutions d’Église qui en ont besoin. Nous avons ainsi soutenu le diocèse d’Évry, et deux paroisses parisiennes, qui avaient des travaux à réaliser et n'en avaient pas les moyens. »
Pour l'ensemble du diocèse, l'Archevêché de Paris a d'ailleurs demandé à toutes les paroisses de lui fournir un plan prévisionnel à cinq ans, afin de savoir quelle serait la situation financière de l’Église dans la capitale en 2017-2018. Les copies ont été rendues il y a quelques semaines, et montrent une dégradation prévisible. Voilà pourquoi, dès maintenant, l'Archevêché prend le taureau par les cornes : relances de l'appel aux dons pour les denier de l’Église dans les feuilles paroissiales, relances téléphoniques... les prêtres et les paroisses ne vivent pas seulement d'amour divin et d'eau bénite. Le diocèse a aussi décidé de retarder des travaux programmés dans des lieux de culte ou dans des locaux d'habitation ou de réunion.
A Saint Pierre de Montrouge, la liste des activités et le nombre des associations présentes est impressionnante. C'est une des paroisses les plus dynamiques de Paris. D'où la nécessité de faire tourner la machine. Yves Jouen est confiant, avec modération. Les comptes sont tenus et, dans quelques années, les appartements construits au-dessus du site d'Alésia Jeunes, mis en location, seront remboursés et fourniront une ressource d'appoint. Mais le soutien des fidèles restera indispensable.
Gérard Desmedt
Les dons au denier de l’Église bénéficient d'un abattement d'impôts de 66 %. Si vous donnez 200 €, vous déduirez 132 € de votre impôt sur le revenu. Vous n'aurez donc dépensé que 68 €.
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