Un conte pour l'été : la libellule (16 août 2013)
Au bord de l’étang dansait de délicates libellules. On les voyait tourner au ras de l’eau, traversant des massifs de roseaux, si denses à cet endroit que l’étang disparaissait sans que le promeneur put soupçonner qu’il y eût là un piège, celui de l’eau. L’eau verte, l’eau bleue, l’eau sombre, tandis que le ciel y faisait jouer la palette des couleurs du soleil et des nuages.
Un jour, alors que l’après-midi était bien avancée et que le soleil brûlait, une petite fille, prénommée Gaëlle, s’approcha des rives de l’étang. Elle était seule et avait échappé à la surveillance de sa mère. Elle contemplait la surface de l’eau et se mit à penser : « Oh, qu’il est beau cet étang, autrefois, mon grand-père y péchait ». Gaëlle alors se prit à rêver à des poissons d’argent, des poissons d’or, des écrevisses couvertes de pierres précieuses. Toute son âme s’illumina, baignée de lumière si douce et si subtile qu’elle ne s’aperçût pas que peu à peu elle s’avançait sur les rives dans une boue de plus en plus humide. Peu à peu elle s’enfonça dans l’eau parmi les roseaux immenses, serrés les uns sur les autres. C’était comme une forêt vierge. Gaëlle se sentit prise au piège, elle eut peur. Elle essaya de s’en sortir seule mais la vase la rendit prisonnière jusqu’aux genoux. Elle appela… Elle cria… mais aucun écho ne lui répondit. Elle était seule au milieu d’un enfer de roseaux. Alors Gaëlle pleura…
Soudain levant la tête, elle vit une libellule qui semble-t-il l’observait. Son vol stationnaire semblait indiquer que l’on voulait peut-être la dévisager de plus près… Gaëlle reprit espoir. Cette libellule, c’était peut-être sa bouée de sauvetage. Elle leva la tête et murmura : « Libellule, gentille libellule, veux-tu m’aider ? ». La libellule se rapprocha de Gaëlle. Elle sembla écouter celle-ci – « Je te demande d’aller voir ma maman et de lui dire où je suis, comprends-tu ? La libellule sembla hésiter puis disparut soudain, dans un éclair.
Gaëlle attendit encore longtemps, très longtemps. Le jour baissait, le soleil descendait peu à peu à l’horizon. La libellule avait-elle compris ? C’était déjà la nuit, et dans l’ombre rasante, les roseaux devenaient de plus en plus menaçants, tels des lances toutes dressées vers le ciel.
Soudain retentirent des pas sourds sur la rive et Gaëlle vit alors sa maman écartant de ses mains la forêt de roseaux. La joie de l’enfant fut immense. Sauvée enfin ! Maman raconta qu’une libellule avait survolé le jardin pendant quelques instants et que dans un bourdonnement d’ailes, elle avait compris l’appel au secours de sa fille. Très vite, Gaëlle et sa maman rentrèrent à la maison. Ce fut un bonheur partagé.
Durant la nuit, Gaëlle écrivit un petit poème et le lendemain matin le déposa sur la rive de l’étang, en reconnaissance vis-à-vis du peuple des libellules. Le voici :
Libellules qui vont et qui viennent
Au bord de l’étang, souveraines
Si belles, aux ailes toutes bleues,
Vibrent dans le miroir des cieux.
R.Rillot
***
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