Paul Verlaine à l'hôpital Broussais (1895) (07 décembre 2015)
Dans les derniers jours de sa vie, Verlaine, dans ses rechutes successives, se réfugiait à l’hôpital : il fut ainsi tour à tour pensionnaire de Vincennes, Tenon, Saint Antoine, Cochin et Broussais. Pierre Louÿs lui rendit visite. Il en fit le récit suivant :
Une vision socratique à un point inouï. Des yeux de fauve, très obliques, un front énorme, une barbe inculte, longue, poussant jusque sous les yeux et très rare sur le menton ; voilà se qui me frappa. Puis je regardais tout autour. Quelle misère ! Sur un lit de fer, des draps grossiers et sales et au fond, adossé sur un oreiller presque vide, il avait sur la tête un bonnet de coton sale, d’où tombaient sur un gros cou, des mèches droites de cheveux gris et sur le corps, une chemise en grosse toile marquée de majuscules noires HOPITAL BROUSSAIS. La chemise, entièrement ouverte, laissait voir sa poitrine velue, grise et grasse. Nous nous approchons. Il salue, ramène vivement sa chemise, rougit un peu et nous fait enlever ses manuscrits de la chaise, qui est près de son lit. Je vais prendre une autre chaise dans un coin.Au dessus de sa tête, son numéro de lit, sa pancarte : « VERLAINE, PAUL, HOMME DE LETTRES » ; et, sur une planche étroite, des lettres, des feuillets et une pile de livres brochés, recouverte de papier journal, au bas de laquelle est une Bible.
Nous vous proposons, afin d’illustrer ce qui précède, trois strophes extraites d’un volume de poèmes : « Romances sans paroles », afin que le lecteur puisse apprécier la sensibilité et la musicalité de la poésie de Verlaine.
Dans l’interminable ennui de la plaine
Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.
Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Corneille poussive,
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres,
Quoi donc vous arrive ?
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