Une certaine rue : la rue du Moulin Vert (13 février 2019)

Nous portons tous en chacun de nous, la part d'un héritage, celui du passé. Et le passé, nous le vivons d'une façon inconsciente, quasi invisible.

Cependant, lorsqu'il resurgit à travers le nom d'une rue ou d'un quartier, nous voilà interrogés de nouveau et devenons perplexes. Nous imaginons, nous rêvons ce lieu en rapport avec notre désir de "revoir" vivant ce passé. Hélas,  les lieux ont changé. Il en est ainsi de la rue du Moulin Vert.

Qu'évoque-t-elle aujourd'hui ?  Sans doute, jadis, il devait y  avoir dans les parages, un moulin,  mais encore ? On sait que durant une grande partie du XIXe  siècle , le territoire du Petit Montrouge, partie nord du Grand Montrouge, situé entre la barrière des Fermiers Généraux  ( Denfert ), et les fortifications érigées par Louis-Philippe, rassemblait entre  quarante  et soixante moulins en activité.

Peu à peu, ceux-ci disparurent face aux minoteries industrielles et à l'urbanisation. L'une d'elle se situait d'ailleurs, au tout début de la rue Friant ( ex rue du Pot au lait) et avait été transformée en garde-meubles. Aujourd'hui les magasins Carrefour la remplace... 

Le seul moulin qui subsiste de nos jours, et gardant sa silhouette d'origine, se trouve au cœur du cimetière  du Montparnasse, à la lisière sud de celui-ci, et dont l'entrée est située rue Froidevaux, celle-ci proche de l'avenue du Maine.  Son nom est : le moulin de la Charité, rappelant qu'il appartenait aux religieux de la rue des Saints Pères.

auberge du Moulin Vert de nuit.jpgMais revenons à  notre rue du Moulin vert.  Située à l'angle de la rue des Plantes, une maison basse rappelle par son nom, le dit moulin. On peut lire sur le fronton : Auberge du Moulin Vert.  A ce propos,  un refrain résonnait  jadis, provenant  de l'auberge :  " Accourez au moulin vert, Gais enfants de la folie, Pour vous, pour femme jolie, On met toujours un couvert"...  Cette auberge faisait-elle partie en tout ou partie du moulin d' origine ? On peut l'imaginer, entourée de verdure, de buissons, d'où s'échappait la musique d'une  volière… Une meule de blé en attente, et peut-être quelques brebis, une chèvre complétaient le décor… Ajoutons-y quelques lapins… Une petite ferme, quoi !rue du moulin vert glycines bleues avec moins de voitures printemps 2016.jpg

Aujourd'hui, la hauteur des immeubles contemporains, et la pollution effacent ces souvenirs rustiques. Cependant, si on se dirige au printemps, vers la rue Hippolyte Maindron, la chaussée devenant très étroite, on peut découvrir avec émotion la façade d'une maison de trois étages ( N° 32) où une grandiose glycine  émerveille le passant attentif. La façade de l'immeuble devient  alors un fabuleux et original décor de théâtre. Oh ! parfum frissonnant à souhait dans l'air léger du printemps... Quel bonheur !

rue du Moulin Vert un arbre au fleurs bleues- mauves .jpgAinsi, le vieux moulin vert n'est pas tout à fait mort et la  rue, aujourd'hui, en garde la mémoire ; une mémoire entretenue par l'émotion d'une glycine aux grappes d'une étonnante lumière bleutée.

Oui, la rue du Moulin Vert fera toujours tourner les ailes d'un moulin devenu invisible, mais qui  jusqu'au fond  du ciel et du cœur du passant nostalgique, conduira ce dernier vers le royaume imaginaire d'un passé fait de charme et de poésie.

R. Rillot

16:53 | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |  Imprimer |