« Le monde rêvé » de l’artiste peintre Alexandre Pineau (1893 - 1970) exposition à la galerie Les Montparnos (14 novembre 2021)
Entrons dans « Le monde rêvé » de l’artiste peintre Alexandre Pineau (1893 - 1970)
Une façon de se replonger dans l’ambiance simple et joyeuse de Tati, de Prévert, de ce monde poétique qui n’existe plus, de ces moments festifs du Montparnasse des années 30. Enfants, parents et grands-parents pouvaient applaudir et rire ensemble..
Heureusement la Galerie des Montparnos est toujours présente pour nous les rappeler. Il nous a suffi de suivre rue Stanislas, l’affiche représentant deux silhouettes de dos, sur une route neigeuse, passant non loin d’un kiosque intitulé « Îles Hawaï ». Un avant-goût de l’exposition d’Alexandre Pineau. Humour, dérision, cheminant sur des routes, ruelles, et en des paysages souvent blancs de neige.
Ce peintre avait-il connu les Îles Hawaï, est-ce son rêve, ou un simple clin d’œil symbolique, autour de la connotation « Îles » , « exil », et quel fut le sien ?
Depuis 12 ans le directeur de la Galerie, Mathyeu Le Bal poursuit sa découverte d’artistes français ou étrangers ayant participé à la notoriété de Montparnasse depuis le début du 20e siècle, et il nous surprend toujours. Les murs de sa petite galerie s’élargissent pour accueillir ce vaste monde de la création. Les œuvres parlent de parcours de vie, et s’y répondent comme des acteurs sur scène, respectant une certaine chronologie.
Mathyeu est à bonne école, avec son père Henry Le Bal, écrivain et homme de théâtre.
Le choix du titre de l’exposition qui se joue, du 4 novembre au 22 décembre prochain, comme une pièce sur les cimaises, l’une bleue et l’autre rouge, est bien dans l’air du temps, certains d’entre nous rêvant d’un autre monde. Le rêve d’Alexandre Pineau, était celui de bon nombre de Montparnos, cette France des Années 30 et de l’après-guerre, la vraie vie retrouvée, simple et festive des villes et villages.
« Le monde rêvé », visite guidée de l’exposition feuilletée comme un livre d’images.
Le vernissage, comptant plus de 100 visiteurs, fut un réel succès. Aussi, un retour dans la galerie s’imposait pour décrypter dans le calme, le cheminement de cet artiste redécouvert.
Mathyeu explique l’évolution de ses thèmes, notamment la guerre 14-18. Des huiles sur toile ou carton, des mines de plomb sur papier, toutes inspirées de ses carnets de croquis durant sa convalescence à Courcelles-sur-Aire. Conducteur d’automobile du 113e régiment d’infanterie, il fut blessé aux reins par des éclats d’obus.
La tragédie de la guerre se poursuit dans un drame familial qui le conduit vers le thème de l’enfance, traité de façon plus douce, aux touches plus claires.
Son épouse Antoinette Hauuy donne naissance à leur fille Elise en 1920 qui décède 3 ans plus tard, suivie de la jeune mère en 1929. Bien que remarié et heureux avec Jeanne Laurence Pavie, ces drames vont influencer son œuvre
Mathyeu Le Bal présente les œuvres d' Alexandre Naveau dans la galerie Les Montparnos
Photos Marie-Lize Gall
Il est bientôt en décalage avec le monde qui l’entoure, il s’en détache, tel un « exilé volontaire » s’aventurant ailleurs, en marge de la ville. Le voici au-delà des fortifications de Paris, dans les terrains vagues, là où gravitent les baladins, les gens du voyage, les bohémiens, leurs roulottes et animaux, leurs campements et leurs cirques. Tout ce nouveau monde l’inspire, haltérophiles des boulevards, funambules, équilibristes équestres, acrobates défiant le vide.
Autant de thèmes partagés alors avec les Montparnos qui l’adoptent avec sa moustache à la Django. Mais c’est surtout une façon de se rapprocher de son Elise qui n’a pu connaître ce foisonnement d’activités ludiques, les jeux de son âge, les kermesses, la quiétude des dimanches quittant les quais de Seine pour les bords de Marne, les vélodromes de villages, les spectacles de rues avec ses chanteurs et musiciens, ses jongleurs, l’école des tambours, les éclats de rire devant les clowns, et les applaudissements sous les chapiteaux.
Elle aurait aussi aimé les senteurs du jardin de Clamart avec une balançoire, celles des fêtes foraines, le plaisir sans fin des tours de manège et carrousels aux chevaux de bois, celui tournoyant sous la neige rappelle les contes de Noël, elle aurait souri enfin devant l’autoportrait de son père grimé en clown, tel qu’on le découvrait lors de soirées festives entre amis, ou lorsqu’il se produisait au théâtre du « Moulin de Gringoire ». Il aurait tant voulu partager avec sa petite Elise ces simples bonheurs quotidiens, qu’il a peints pour elle, lui offrant à chaque exposition ce livre d’images de contes merveilleux.
Autre source d’inspiration, ce monde simple et bucolique qui ne résistera pas aux constructions de grands ensembles. Les barres d’immeubles commencent à se faire jour, et l’artiste en glisse les silhouettes dans certains paysages de banlieue, sous la frondaison d’arbres sombres, ou écorchant le ciel comme dans « La gare de Clamart ».
Ce sont là des chroniques peintes, bien analysées par Mathyeu devant chacun des tableaux. « Sa peinture s’imprègne de la douceur populaire. Il est un coloriste généreux, les tonalités chaudes sont rythmées dans des compositions minutieuses. Il y a du Fellini dans ses scènes de vies. Les enfants en mouvement sont exagérément plus petits par rapport à la taille des adultes qui apparaissent immenses. » Une œuvre qu’il rapproche sans être naïve, du Douanier Rousseau et de Bauchant, ou d’un Jacques Tati qui aurait été peintre.
Et comme le confirme le critique Anatole Jakovsky, « Pineau avoue lui-même que la peinture est pour lui un moyen de raconter, un art qui le dispense d’écrire. »
Carrière artistique d’Alexandre Pineau
Il fait partie de ces quelques Montparnos nés à Paris, et plus encore, proche de Montparnasse, dans le 14e arrondissement. Il voit le jour le 2 juillet 1893 au 49 avenue d’Orléans (devenue Av. du Général Leclerc), dans une famille au bon niveau de vie qui déménagera au 157 rue d’Alésia. Son père était typographe et sa mère femme au foyer. A l’âge de 7 ans il est lauréat du concours de dessin de la Ville de Paris organisé pour l’exposition Universelle.
Parallèlement à son emploi de représentant de commerce chez un drapier, il suit les cours des peintres Jacques L’Huillier, puis Albert Breauté. Installé avec son épouse à Clamart dans la maison qu’il a fait construire et joliment appelée « Les 4 Vents », il installe son atelier dans la chambre du haut ouverte sur l’ouest parisien et le Mont Valérien, aux quatre vents...
En 1928, sa rencontre avec Auguste Clergé, qui a tant de points communs avec lui - les épreuves de la vie, la découverte de la zone, la peinture, l’attirance du cirque et du théâtre - permet la création du Groupe Clergé. Une trentaine de peintres présents en 1930 à l’exposition collective de la Brasserie Courbet, issus du 18ème Salon de la Compagnie Ambulante des Peintres et Sculpteurs Professionnels, se déplaçant de cafés en cafés.
De 1929 à 1970 il expose dans les Salons parisiens, honoré en 1984 d’une Rétrospective au Centenaire du Salon des Indépendants et 2006 celle de la Fondation Taylor dont il devint secrétaire général dès 1950.
Puis la Bretagne s’intéresse à ses œuvres, exposées en 2014 et 2018 à la Galerie Brouard de Dinan, et depuis 2017 à la Galerie de Bretagne d’Isabelle et Henry Le Bal, qui recevra à son tour à Quimper l’exposition d’Alexandre Pineau.
Qu’un vif remerciement soit décerné à Claude Pavie, neveu du peintre, qui gère ses œuvres depuis plus de 20 ans, et a fourni la plupart de celles exposées à la Galerie des Montparnos.
Aussi, laissons à son directeur, Mathyeu Le Bal, le dernier mot.
« Au cœur du peuple, Alexandre Pineau a consacré sa vie à la peinture, en observateur tendre, le regard bienveillant sur le grand manège du monde. Sa peinture marque une délicate distance, se place en retrait des affres sombres de l’existence, tel un refuge dans lequel l’âme de l’enfant serait à jamais préservée. »
Marie-Lize Gall
« Le monde rêvé d’Alexandre Pineau »
Exposition de l’artiste peintre Alexandre Pineau
Galerie Les Montparnos - 5 rue Stanislas - 75006 - Paris
du 4 novembre au 21 décembre 2021 - lundi au samedi de 11h a 18h 30
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