Georges Dandin - Un anti-héros (02 février 2007)

medium_8951.JPGEntre la comédie satyrique, le drame d'amour et la farce populaire, la pièce de Molière, replacée dans un cadre contemporain des années 30, offre à la réflexion deux thèmes principaux qui s'appliquent à notre époque, avec une étrange acuité.  

Tout d'abord, la notion "d'ascenseur social" – tarte à la crème de nos contemporains - où chacun espère s'attribuer les avantages supposés des gens qui ont "réussi", en singeant leurs attitudes, leurs mœurs,  leur soif de pouvoir, et leur besoin de paraître.   Georges Dandin est de ceux-là. Il est devenu "noble" par défaut où mieux par son argent qui lui a permis d'accéder au mariage avec une jeune fille d'une famille noble mais ruinée… Mésalliance évidente qui lui fera regretter ce mariage, très vite. Il n'est pas un  seul instant où les beaux-parents ne lui feront remarquer avec mépris et condescendance sa situation inférieure de parvenu qui n'a pas sa place dans la "noblesse" des gens d'en haut… Ce thème est toujours à l'ordre du jour.  

Second thème important : la soumission à l'époque, des filles à leurs parents et des femmes à leur mari.  En filigrane, l'oppression s'exerce à travers une société où les tabous éducatifs ont force de loi. Angélique, femme de Dandin clame et revendique à qui veut l'entendre, sa "liberté de connaître le monde", son besoin de s'émanciper du poids de la tradition qui veut qu'un mari ait tout pouvoir sur sa femme. Pouvoir pérennisant sous une autre forme la toute puissance éducative et morale des parents sur leur enfant, et ceci par le biais d'une chaîne de soumissions qui se renouvelle à chaque génération… Angélique par sa révolte encore hésitante et balbutiante, chante un hymne à la liberté d'exister, à la revendication d'être un "sujet" et non plus un "objet". Nous sommes là aux frontières d'une revendication qui n'apparaîtra au grand jour que dans les années 1970, soit trois siècles plus tard !  

Ainsi, Molière, par sa comédie-farce, où le grotesque est omniprésente parmi les personnage, nous est très contemporain. Cette pièce aurait pu être écrite aujourd'hui, parce qu'elle pose le problème des relations entre les différentes classes de la société, et celui  concernant la liberté des femmes, sujet de leur émancipation progressive et semble-t-il irréversible.  

Molière révolutionnaire ? Peut-être. En tout cas, très proche des préoccupations de nos contemporains. Félicitons Marcel Maréchal qui a su dans une mise en scène résolument moderne et originale – l'action se passe en 1930 au bord de la mer – mettre en avant le désespoir de G. Dandin. Molière amène celui-ci vers la "sortie", en l'invitant à "se jeter dans l'eau, la tête la première".  Ce qu'il fait ! Un clin d'œil vers ceux qui ne verraient la solution que dans une fuite en avant désespérée.

Spectacle jubilatoire, à déguster sans réserve, d'autant que la troupe des Tréteaux de France est parfaite, chacun donnant à son rôle la juste mesure de son talent.

Raymond Rillot 

Théâtre 14 : 20, avenue Marc Sangnier – 75 014 – jusqu'au 3 mars 2007. Loc. 01 45 45 49 77  

 

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