TRACES de Philippe Delerm (15 avril 2008)

5aefda28630029924378efe709f91d91.jpgPhilippe Delerm a le don, le génie, oserai-je dire, de réhabiliter le réel, l’infime, le détail, par une démarche qui nécessite une perpétuelle acuité attentive, vis à vis de notre quotidien le plus banal, le plus immédiat.

Qu ‘il nous parle de coques de bateau abandonnées, d’un S.D.F. et de sa couette posée sur le trottoir, de la trace qu’un doigt peut laisser  sur la vitre chargée de buée, ou bien du feu rouge du carrefour habillé d’un cœur, de la trace nuageuse laissée par un avion à haute altitude, P. Delerm est le magicien du réel réinventé, non du réel alourdi par la pesanteur d’un regard qui ne verrait rien, mais par la légèreté subtile d’une approche visuelle, où la pierre devient transparente, où le mur se transforme en dentelle, où le silence est musique, où l’accessoire prend  une importance novatrice qui surprend, où la rue, la ville, le quotidien des choses observées, ouvrent les portes à la magnificence, à l’insolite caché sous les apparences. Soudain, la pureté des images fait irruption dans notre esprit, et notre imaginaire s’en trouve définitivement transformé.

 

Avec P. Delerm, nous traversons les murs,  l’eau du caniveau devient un torrent fantastique où coulent la pureté, l’innocence. Le monde se trouve réinventé, « réenchanté ». Il a perdu sa noirceur. Nous regardons le soleil en face, et nous devenons soleil ! Nos yeux voient au-delà… Nous devenons poètes parce que P. Delerme est un poète. Et si la poésie est  cette « enfance retrouvée », alors, oui, nous redevenons des enfants devant le spectacle du monde. Nous nous reconstruisons à chaque instant, car chaque instant est important, réactivé par la perfusion d’une magie inconnue que traverse l’extrême finesse d’un regard.

Nous savions que P. Delerm possédait les yeux de l’enfant qui s’émerveille d’une hirondelle dessinant dans le ciel les cheveux d’un ange, les yeux qui constatent qu’un rayon de lune peut sculpter les pierres d’un château imaginaire… Mais TRACES, c’est aussi l’effort consenti pour retenir entre les doigts de sable du lecteur, l’instant, celui qui  « trace » notre présence au monde, dans un éphémère toujours renouvelé, reliant les multiples secondes de notre passage ici-bas à l’infini qui occulte les infimes variations et les formes toujours instables de notre conscience. Avec TRACES, nous entrevoyons que l’instant porte en son noyau intime, les prolégomènes d’une éternité pressentie. Paradoxe ? Non, le grain de sable observé a valeur de galaxie…

TRACES est un livre à mettre entre les mains du lecteur qui veut « renaître » à lui-même, et reconstruire la réalité, sa « réalité », à travers le prisme puissant d’une vision régénérée . Avec P. Delerm le monde est un printemps perpétuel . La surprise est grande lorsque nous découvrons après une lecture attentive, que nous sommes devenus les nouveaux découvreurs de continents perdus ou simplement oubliés…

R.Rillot

- Ed. Fayard – 18€ -  Photos de Martine Delerm

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