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25 janvier 2012

Ecrire est une enfance, de Philippe Delerm

Eloigné de toute pose littéraire, Philippe Delerm dans son dernier livre, se dévoile  pour nous faire parcourir les arcanes de la création. Ici, il nous fait partager sur le ton de la confidence, de la pudeur et de l’intimité les plus proches, le cheminement qui l’a engagé à devenir un écrivain. Ce fut une maturation lente et progressive. Il remonte loin sur ses origines familiales, parents et grands-parents. Il parle de son destin qui l’amena à s’échapper du conditionnement familial. Il évoque ses goûts en matière de littérature – Proust et Dickens y sont évoqués -  mais aussi ses amitiés avec le Clézio, les encouragements de Jean d’Ormesson, ainsi que ses échecs de débutant : refus de Gallimard.... Il parle de ses goûts pour la chanson : Brel,  Brassens, Anne Sylvestre, Souchon ... 

C’est à l’apprentissage du métier qu’il nous fait assister, en y laissant entrevoir une part secrète de lui-même, sa personnalité, un certain climat de mélancolie, toujours présente à propos de la reconnaissance longtemps recherchée. Il dit ainsi : « La mélancolie de l’attente était plus forte que le bonheur du succès. Dans la mélancolie, on préserve davantage l’enfance, l’adolescence surtout, on est plus intensément soi ». Alors, Delerm, adolescent pour toujours, à la recherche constante de lui-même ? Mais l’adolescence n’est-elle pas la porte perpétuellement ouverte sur la voie de la création, dans une recherche de soi qui vous échappe et vous poursuit cependant ?

Devant la page blanche, le temps ne s’arrête pas. Il ne fait que passer pour mieux  se mesurer à l’éphémère instant, à l’indicible mouvement de sa propre et inéluctable disparition.

P. Delerm est cet écrivain  qui sait nous transmettre l'intense présence d'une infime  émotion, et par là-même le désir inssouvi de l'éternité de celle-ci.      -  R.Rillot -

-  Ecrire est une enfanceEd. Albin Michel – 15 €

16 janvier 2011

Le trottoir au soleil

trottoir au soleil.jpgde Philippe Delerm

Au fil de ses nombreux ouvrages, Philippe Delerm affirme à sa manière une présence toujours plus personnelle, tant par la qualité du style que par la forme et le fond de ses opus. Le dernier en date, «  Le trottoir au soleil » est une réussite, car il met en lumière les faits du quotidien, qui a priori ne sont pas destinés à être retenus. Transmis par les qualités d’une plume devenue mature, ils prennent soudain une importance insoupçonnable.

Delerm est passé maître pour saisir l’éphémère, ces instants qui se transforment par le jeu subtil du regard, en un tableau débordant de lumière, où le sens caché des choses se révèle. Le lecteur se laisse séduire. Jubilation de l’instant où l’herbe anonyme du chemin rejoint les hauteurs des forêts tropicales…

Delerm sculpte les mots en orfèvre accompli. Il les utilise comme des loupes. Il scrute de près l’infinitésimale agitation du ver de terre, pour nous délivrer des espaces infinis, où l’homme aveugle  néglige de surprenantes découvertes qui naissent à ses pieds. Peu à peu, par une lecture attentive, nous reprenons goût à la réalité la plus immédiate, la plus naturelle. Nous ressentons à nouveau le poids du quotidien dont la monotonie apparente s’efface. L’esprit redevenu soudain attentif, curieux, accompagne un monde jeune, ouvert à la  sensation régénérée des émotions.

Ainsi, Delerm nous invite au voyage, ayant pour seul guide un imaginaire enfin libéré. Celui-ci nous conduit jusqu’aux limites de l’horizon, là où commence la véritable aventure, celle d’une inconnue somme toute familière : la vie.    R.R  

Ed . Gallimard – 14, 90 €

23 septembre 2009

Quelque chose en lui de Bartleby

Philippe Delerm

Devenir transparent , invisible au regard des autres, pourrait être toute la philosophie de vie d'Arnold Spitweg, modeste employé de poste qui a l'outrecuidance de paraître hors du monde, hors du mouvement général et de l'agitation des « affaires »  de ce monde. Sa vie  réglée ne se laisse pas déborder par la modernité ambiante qui veut que chacun doit absolument « réussir »  pour se sentir exister, en gonflant par moult artifices la baudruche de son ego.

Mais lorsque Arnold Spitweg, soumis à la pression du Net, décide de créer son propre blog, où il relate les péripéties de son quotidien et fait l'éloge de la lenteur et de la paresse, alors, tout bascule, il devient célèbre, on le « connaît ». Tout se complique, tout se dérègle dans sa vie.

A travers des promenades faites dans divers quartiers de Paris, le récit que fait Delerm de son héros, questionne le lecteur à plus d'un titre. La recette du bonheur ne serait-elle pas dans la reconquête du temps, notre temps qui nous est volé, saccagé par un monde mécaniste où le « progrès » n'est qu'artifice et mensonge ?

Jolie fable en vérité qui nous rapproche de la sagesse antique et du « Carpe diem » épicurien. Combien cela est-il apaisant de redécouvrir une sérénité de vie que cette attitude nous procure. Un récit à lire en méditant sur la possible recherche du bonheur. Pour vivre heureux, devons-nous rester caché, invisible aux autres, refuser le monde et tout mouvement superflu ? Etre aveugle et immobile sont-elles les solutions pour refuser la lumière ?

R.R.

Edition Mercure de France - 14,50 € -

14 octobre 2008

Ma grand-mère avait les mêmes, de Philippe Delerm

philippe delerme.jpgPhilippe Delerm est sans aucun doute le meilleur observateur de nos tics de langage, formules toutes faites que nous employons au quotidien, sans que nous fassions attention au contenu réel de leur signification.

L’auteur se livre dans ce petit livre à un travail minutieux d’anthropologue et d’ethnologue, travail présenté à travers un ensemble de situations d’apparence anodine et banale. C’est une photographie qui serait saisie dans l’instantané ( un peu à la Doisneau).

Tout y passe : les reliques improbables de vieilleries inutilisables ( ma grand-mère avait les mêmes), le supplément de fromage offert par le commerçant (il y a un peu plus, je le laisse ?), la qualité d’un spectacle (si j’avais su que c’était si bête, j’aurais amené les enfants), et ainsi de suite…

Delerm possède la finesse, l’intelligence du détail savoureux. Il nous renvoie en pleine figure, les écarts langagiers, souvent inconscients que nous produisons à propos des événements familiers de notre quotidien.

Ces textes courts mais denses et toujours finement élaborés, contiennent tant d’humour que leur lecture apporte une détente heureuse, une sorte des respiration de l’esprit, qui s’accompagne d’un sourire bénéfique et communicatif à faire partager sans restriction. De bons moments de lecture jubilatoire.

R.Rillot

15 avril 2008

TRACES de Philippe Delerm

5aefda28630029924378efe709f91d91.jpgPhilippe Delerm a le don, le génie, oserai-je dire, de réhabiliter le réel, l’infime, le détail, par une démarche qui nécessite une perpétuelle acuité attentive, vis à vis de notre quotidien le plus banal, le plus immédiat.

Qu ‘il nous parle de coques de bateau abandonnées, d’un S.D.F. et de sa couette posée sur le trottoir, de la trace qu’un doigt peut laisser  sur la vitre chargée de buée, ou bien du feu rouge du carrefour habillé d’un cœur, de la trace nuageuse laissée par un avion à haute altitude, P. Delerm est le magicien du réel réinventé, non du réel alourdi par la pesanteur d’un regard qui ne verrait rien, mais par la légèreté subtile d’une approche visuelle, où la pierre devient transparente, où le mur se transforme en dentelle, où le silence est musique, où l’accessoire prend  une importance novatrice qui surprend, où la rue, la ville, le quotidien des choses observées, ouvrent les portes à la magnificence, à l’insolite caché sous les apparences. Soudain, la pureté des images fait irruption dans notre esprit, et notre imaginaire s’en trouve définitivement transformé.

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