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26 septembre 2010

"Des Hommes et des dieux" film de Xavier Beauvois

C'est un film à voir, à revoir, à méditer.  Ici, la religion n'est pas fanatisme mais amour et don de soi.

Il est très intimidant de parler de ce magnifique film qui m'a totalement bouleversée du début à la fin! Le sujet avait ému le monde entier : les derniers moments des moines de Tibéhirine dans l' Atlas  algérien  de 1993 jusqu'à leur enlèvement en 1996.

Xavier Beauvois retrace la vie de cette petite communauté de moines cisterciens dans les montagnes de l' Atlas.  Ces religieux  côtoient et protègent  un village dont les habitants sont musulmans.  Ils accueillent et soignent  les malades dans le petit dispensaire, et  leur donnent une aide matérielle en cas de besoin.

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Le cinéaste choisit de nous faire entrer dans l'intimité  de cette communauté au rythme lent des activités quotidiennes des moines : offices, prière personnelle, lecture des écritures, travaux agricoles, vente au marché... Ces Français, chrétiens, sont très proches de la population musulmane, ils participent aux  joies et aux peines des villageois et à leurs fêtes.

Mais peu à peu des menaces  se font sentir: d'abord, le massacre d'ouvriers sur un chantier situé à proximité du village. Puis, le soir de Noël , l'irruption violente d'un groupe armé dans le monastère afin d'exiger immédiatement des soins pour un des leurs  et des médicaments. Ce qui sera refusé par Frère Christian, le Prieur. Des conseils de prudence sont donnés par les autorités algériennes recommandant d'accepter la protection de l'armée puis de quitter l'Algérie. La présence de l'armée algérienne, refusée par les moines, est imposée et devient de plus en plus oppressante...

La vulnérabilité  de ces hommes est montrée : certains sont âgés, d'autres malades: frère Luc, médecin, est asthmatique (incarné avec finesse et humour par Michaël Lonsdale) le frère Amédée, frêle vieillard (Jacques Herlin), et le plus jeune des religieux  si timide... Ils sont  gagnés par la peur.  La vision de ces 8 moines fragiles  qui chantent sous le bruit assourdissant d'un hélicoptère est particulièrement saisissante.

A la demande instante de certains moines, s'instaure un dialogue passionnant entre eux pour savoir s'il faut rester ou partir en abandonnant les villageois qui leur ont fait confiance? Le climat de terreur les étreint;  certains, comme frère Christophe (excellent Olivier Rabourdin), sont taraudés par l'angoisse et l'incompréhension et voient leur foi s'ébranler. Pourquoi rester, n'est-ce pas faire preuve d'un entêtement absurde? Pourquoi accepter  d'aller au-devant d'un martyre qui semble inutile?

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Chacun approfondit sa réflexion sur le sens de sa vocation religieuse, de sa présence auprès de ces algériens musulmans, parfois dans des oppositions virulentes , puis dans une compréhension réciproque au fur et à mesure de cet échange sur leur vie, leur foi, leur engagement...et ils décident ensemble de rester. L'aboutissement de cette confrontation sera  le magnifique dernier repas qui se déroule sur une musique du "Lac des cygnes", déroutante dans un monastère, mais révélatrice de l'humanité et la tendresse de ces hommes, de leur communion d'esprit.


L'image de Caroline Champetier est d'une extraordinaire beauté: les plans larges pour les paysages  de montagne, ou les scènes d'ensemble au marché, sur le chantier...et au contraire les cadrages serrés pour les magnifiques portraits des moines où la caméra scrute les visages, les regards, les expressions, les gestes à peine esquissés. Les couleurs chaudes et lumineuses des plans  extérieurs  contrastent avec les clairs obscurs et les  teintes  étouffées des scènes d'intérieur. La montée finale des moines enlevés se soutenant l'un l'autre et disparaissant peu à peu dans la brume est splendide dans sa sobriété.

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Ce film est d'une honnêteté rigoureuse: Xavier Beauvois et son équipe ont séjourné dans l'abbaye cistercienne de Tamié  afin de découvrir la vie monastique. Le cinéaste ne donne pas d'explication politique, il s'en tient aux faits connus et au  "testament" laissé par le Prieur Christian.

Peut-on encore parler du jeu des acteurs  alors que, pour nous, ils "sont" ces moines ? Ils sont d'une  vérité touchante, sans aucun effet inutile. Ils savent  exprimer les tensions qui les agitent puis la force de leur solidarité.

Toute la mise en scène converge vers  ces hommes  si fragiles, si humains qui cherchent inlassablement à répondre à ces questions universelles : Pour quoi, pour qui veut-on  vivre  et, si cela est nécessaire, accepte-t-on de mourir ? Quelle est notre foi, quel  est notre engagement ? Et si nous sommes tellement bouleversés c'est que ces interrogations sont les nôtres.

C'est un film à voir, à revoir, à méditer.  Ici, la religion n'est pas fanatisme mais amour et don de soi. Cette œuvre mérite tous les prix mais en a-t-elle besoin ?

Monique Garrigue-Viney

Commentaires

Tout à fait d'accord , ce film est très beau, très émouvant. Le choix des moines, cependant, paraît trop rapidement fait, à mon avis...J'ai ressenti une pression de la part du prieur, de Chergé. Enorme responsabilité de cet homme profond, voire sombrement attiré par le sacrifice de soi, la rencontre avec son assassin.On aimerait en savoir plus des raisons profondes de cet appel.
Le rythme lent du film est approprié à la montée de l'émotion.Tout cela a eu lieu.Incroyable.

Écrit par : marie-josée C | 27 septembre 2010

J'ai négligé un aspect important du film : ce sont les échanges entre les moines et la population algérienne sur la religion musulmane. En effet, le prieur rencontrait régulièrement un imam et il y avait vraiment une réflexion commune où les deux approches s'enrichissaient mutuellement pour découvrir Dieu.

Écrit par : Monique Garrigue-Viney | 02 octobre 2010

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