Henri Namur, le franciscain de la Santé (02 décembre 2012)
Ancien provincial des Franciscains, le Frère Henri Namur vit au couvent de la rue Marie-Rose. Après une année en Angleterre, à Londres, il a été nommé en janvier 2012 aumônier à la prison de la Santé. « La Voix » a rencontré ce religieux dynamique, au sourire constant. Il raconte son action dans la grande prison parisienne (la seule intra muros) où sont incarcérés plus de 850 détenus.
Comment se retrouve-t-on aumônier à la Santé?
Après mon mandat de provincial des Franciscains, j'ai souhaité souffler un peu. Je suis parti à Londres, dans une paroisse franciscaine d'un quartier cosmopolite, très pauvre. J'y ai découvert une richesse humaine et une ferveur étonnante. Je prenais aussi des cours d'anglais au cœur de Londres. A mon retour, notre nouveau provincial a reçu une demande du cardinal André Vingt-Trois. Il souhaitait qu'un franciscain devienne aumônier à la prison de la Santé. Il m'a proposé le poste. J'ai demandé une nuit de réflexion, et j'ai accepté. J'ai fait mes premières visites début janvier 2012. (photo A. Constans DR)
Quelle furent vos premières impressions, les premiers jours ?
Les débuts sont difficiles. Entrer la première fois dans un lieu de détention est un choc. Les contrôles multiples, les clefs, le bruit des portes... Mais très vite, j'ai pu constater que quelques idées reçues sur les prisons sont fausses. La Santé est certes un bâtiment vétuste, insalubre à certains endroits. Mais il est propre, il n'y pas d'odeurs. Et dans les couloirs, tout le monde – personnel, détenus, soignants, aumôniers... - se dit bonjour. Il existe un respect de la personne.
Comment fonctionne l'aumônerie ?
Trois prêtres catholiques sont présents à la prison. J'assure un gros mi-temps. L'équipe comprend aussi trois laïcs, trois femmes, qui assurent les groupes bibliques, et un responsable de la chorale, qui assure à la fois l'étude de chants profanes et de cantiques pour la messe. Nous disons deux messes le dimanche car la salle polyvalente qui nous accueille ne peut contenir plus de 50 personnes.Les détenus nous contactent directement, lorsque nous allons voir quelqu'un en cellule, ou par notre boîte aux lettres interne. Ils nous demandent une visite ou sollicitent de participer à la chorale, à la messe... Les aumôniers sont les seuls, avec la directrice de la prison, à posséder une clef qui ouvre toutes les cellules.
Quels sont vos rapports avec les détenus ?
Poux eux, l'aumônier est quelqu'un qui vient les voir gratuitement. Même pour ceux qui n'ont aucune religion. Il n'est ni un gardien, ni un médecin, ni un infirmier. Et cela se ressent dans la manière dont ils nous accueillent. Nous frappons à la porte avant d'entrer (seuls les aumôniers le font...). Ceux que nous visitons retrouvent alors des réflexes de socialisation, ils disent « entrez, prenez une chaise. » Ils nous offrent un gâteau sec, un café. Commence alors une pédagogie de l'écoute. Nous devons commencer par nous taire, et écouter ce qu'ils ont à dire.
Et que disent-ils ?
Les prisonniers n'ont évidemment pas choisi de vivre là, à quatre dans 13 m2. Ils ont perdu leur famille, leur femme ou leur compagne, leurs amis. Ils sont déshumanisés. Toutes les questions qu'ils se posent, ils les projettent sur l'aumônier. A leur demande, il nous est possible de les voir seul à seul, dans le bureau de l'aide sociale, dans la salle polyvalente, ou simplement dans une coursive. Les détenus ont besoin de parler, de se confier. Ils savent que ce qu'ils nous disent sera écouté, entendu. Pour les prisonniers, c'est précieux. Dans les couloirs, certains que je ne connaissais pas m'ont lancé « merci d'être avec nous » ou « Dieu vous bénisse ».
Comment se déroulent les célébrations ?
Lors des messes, l'équipe d'aumônerie multiple les signes : nous étendons une nappe blanche sur une table de ping-pong, avec dessus des fleurs, une icône. Les fleurs sont distribuées ensuite et égaient les cellules. Un grand poster de Giotto est déroulé. Nous faisons une procession d'entrée et distribuons le texte de l’Évangile en plusieurs langues. Lorsque je prêche, mon homélie a été préparée en pensant à eux, à ce qu'ils vivent et ressentent. Les détenus assurent les lectures et, lors de la prière universelle, ils disent leurs intentions, leurs douleurs, leurs drames parfois. J'ai souvent entendu : « prions pour nos victimes ». Beaucoup de détenus viennent à la messe, même des athées. Pour prendre l'air, bien sûr, mais pas seulement. La messe est un moment, fort, privilégié.
Quelles sont vos relations avec les aumôniers des autres religions ?
A la Santé, outre l'aumônerie catholique, les prisonniers peuvent s'adresser à un pasteur protestant, à un imam, à un rabbin et – c'est tout récent – à un prêtre orthodoxe. Nous avons un profond respect les uns pour les autres. Nous vivons au quotidien l’œcuménisme et l'interreligieux ! Il est arrivé à l'imam d'expliquer la Trinité à une détenu et des prisonniers musulmans m'interpellent parfois sur le culte des saints...
Que souhaitez-vous dire aux personnes « du dehors » sur le monde carcéral ?
Nous souhaitons d'abord informer, expliquer ce que se passe entre les murs. Rappeler que la prison n'enferme pas que des grands criminels, mais aussi des personnes qui se retrouvent derrière les barreaux pour avoir commis des actes délictueux par accident, par oubli... Nous sommes dans les prisons parce que Dieu nourrit une espérance qui permet de repartir. La misère de l'homme en détention nous font découvrir l'extrême de l'homme et l'extrême de Dieu.
Propos recueillis par Gérard Desmedt
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