Un monument national en péril... (25 janvier 2009)

On a le Louvre et sa prestigieuse locataire, la Joconde, on a Les Invalides et un certain empereur qui finit ses vieux jours là, pour l’éternité, on a Versailles, dont le roi qui se fit accompagner durant son règne par un soleil omniprésent, soleil obéissant qui daignait éclairer le visage souverain de sa Majesté jusqu’à l’heure ultime de son coucher par un savant jeu de glaces disposées avec art , aux murs d’une certaine Galerie !.. On a, on a… beaucoup d’autres merveilles en cette doulce France, pays des arts, des lettres, de la bonne chère et des histoires gauloises !

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Mais il existe à Lutèce, le long d’un boulevard, sur un trottoir, un petit édicule simple, efficace pour tout homme dont l’envie pressante ne saurait attendre. Des milliers et des milliers de fois, ce petit édicule a rempli son rôle d’assistant social, avec un soin débonnaire et gratuit, vigilant et protecteur. Il soulageait et soulage encore de nos jours, tout homme pressé d’en finir avec ce besoin naturel, et dont la nature est « naturelle », puisqu’il s’agit tout simplement d’uriner ! Oui, uriner !!

C’est ce à quoi est destiné cet ouvrage hydraulique et d’art, planté là sur le trottoir d’un certain boulevard, dont le patronyme Arago évoque avec sérieux, la science, la raison, et l’esprit.

Bref, il s’agit là du monument le plus ignoré de Paris, le plus discret, le plus insignifiant, sans valeur, non coté à la Bourse, mais qui placé sous les murs de la prison de la Santé, n’en exprime pas moins le soin qu’ont nos édiles parisiens, de favoriser l’expression libre et sans retenue du passant pressé, ou du détenu fraîchement libéré des «  murs de la Santé », afin que ce dernier puisse goûter à son aise , sa nouvelle liberté, et prêter sa modeste participation au fonctionnement harmonieux des canalisations des égouts de la Capitale.

En bon français, ce monument se prénomme une « pissotière », un urinoir pour les plus lettrés et dont le nom a été détrôné , il y a quelques années par des « sanisettes » gratuites et aveugles, où la promiscuité et les regards de voyeur ne sont pas autorisés. Mais pour combien de temps encore, ce monument pourra-t-il continuer d’offrir ses services ? Car sa facture obsolète le condamne à tout jamais.

Alors, vous qui avez l’âme nostalgique, n’hésitez pas. Retenez-vous un peu et venez honorer une dernière fois, même si cela vous éloigne de vos lieux d’aisance habituels, ce beau monument, en laissant couler à ses pieds, la précieuse quintessence de vos humeurs liquides ! C’est en usant des choses dépassées qu’on les protège tout en les encourageant à vivre, et pourquoi pas à survivre ! L' empereur Vespasien  aura-t-il des émules, et que dit notre ministre de la Culture à ce propos ?

R.Rillot

07:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : boulevard arago, prison de la santé, vespasienne, paris 14 |  Facebook | |  Imprimer |