Habemus Papam : pas si vite! (05 octobre 2011)
Le Pape est mort...Venus des quatre coins de la planète pour élire son successeur, des cardinaux se réunissent en conclave sous la voûte de la chapelle Sixtine, où l'électricité défaille. Dans les couloirs, derrière les portes, au pied des murailles, à côté de leurs radios, de leurs télévisions, de leurs ordinateurs, les fidèles du monde entier attendent. La lumière revenue, les prélats se mettent à l'oeuvre. Et, dans cette atmosphère solennelle, des prières silencieuses s'élèvent vers le ciel : pas moi, Seigneur! Ne me choisissez pas! Non!
C'est à tort que l'on verrait dans cette étincelante comédie italienne, servie par l'esprit inventif et l'humanisme chaleureux de Nanni Moretti, une quelconque charge anticléricale. Rien n'est convenu dans cette fable, bien plus subtile et profonde qu'il n'y paraît. Le regard porté sur le cérémonial religieux demeure bienveillant, même et surtout lorsque les événements tournent à la catastrophe... Car le nouvel élu, un Français nommé Melville, que nous avons vu se décomposer alors que la lecture des bulletins de vote martelait son nom, tremble devant l'énormité du destin qui lui échoit. Au grand désarroi des cardinaux électeurs, il ne réussit même pas à franchir le seuil du balcon. La psychanalyse est appelée en renfort.
Face à son illustre patient, le docteur, qui proclame être le meilleur, sans que l'on sache sur quel territoire géographique s'étend cette domination, peine à trouver des réponses. Fort de la constatation que nul ne résoudra son problème à part lui, le Pape s'enfuit dans les rues de la ville éternelle, en quête de cette vérité qui gît, parcellaire et mystérieuse, en chacun de nous.
Derrière l'humour, l'ingéniosité du scénario et la beauté formelle du film, affleurent des interrogations poignantes. Le cardinal Melville ne doute que de lui-même, d'où le voyage initiatique qu'il entreprend, cherchant les mots de son discours dans le métro aérien qui longe le Tibre, pendant qu'entre les murs du Vatican, on trompe l'angoisse en jouant au volley, et qu'en bas sur la place les petites lumières brillent toujours...
Comédien grandiose et multiforme, Michel Piccoli constitue l'interprète idéal de ce personnage hors normes, qu'il joue avec une grande sobriété. Sur son visage, les sentiments se reflètent dans leurs plus délicates nuances. Les acteurs qui l'entourent, Nanni Moretti en tête, sont dignes de cette performance, comme la mise en scène l'est de la somptuosité du décor.
Un film de Nanni Moretti, avec Michel Piccoli, Nanni Moretti, Jerzy Stuhr, Margherita Buy, Renato Scarpa. (Cliquez sur les photos pour agrandir)
Josée cathala
06:00 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : paris 14e, lavoixdu14e.info, moretti, michel piccoli, habemus papam | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Je suis plus réservée que vous sur ce film : après un début, en effet éblouissant et finalement,vraisemblable, je trouve que les personnages manquent de profondeur. Michel Piccoli a un jeu peu varié d'enfant craintif et boudeur qui, après la stupeur et la terreur de l'annonce de son élection, devient peu crédible. A aucun moment ne sont évoqués les parcours des cardinaux et en particulier de celui de Melville. Je sais bien que cette farce ne cherche à être ni une étude de l'Eglise catholique ni même une charge contre elle mais elle établit une comparaison un peu lourde du rôle des cardinaux avec celui des comédiens.
Il n'en reste pas moins que ce film est une pochade amusante un peu décevante sur la fin. Elle pose des questions essentielles sur le courage et la force qu'il faut avoir pour prendre des responsabilités écrasantes mais elle suggère que c'est une forme d'imposture que de les accepter.
Je sais qu'un athée ne peut évoquer la force de la foi et de la prière mais cela crée une gêne pour le spectateur croyant. Je crois qu'on a tort de vouloir voir autre chose dans ce film qu'une comédie.
Écrit par : M.G.V. | 04 octobre 2011
Si ce film n'est pas une comédie c'est peut-être un drame? Le drame d' une Eglise aux mains de vieillards tristes qu'un psy voudrait "animer", un comble. Pourtant, il semble bien que le grand corps ecclésial souffre. Et cette souffrance s'incarnerait dans celui que ses pairs ont "choisi"! Normal.Un autre diagnostic est proposé par un autre psy, la femme du premier. Elle aurait quitté ce dernier parce qu'il était meilleur qu'elle ou le contraire: elle était la meilleure, il l'a quittée. Son diagnostic: carence de soins. Les névrosés ont tous souffert du manque de soins maternels précoces.Les cardinaux, les papes, les prêtres, carence de soins? Il est temps que nous nous penchions sur la carence affective éventuelle de nos pasteurs pour leur rendre leur confiance en eux, à moins qu'on doive les rendre à eux-mêmes. C'est le naïf message que j'ai entendu de la part de ce cinéaste- thérapeute qu'est Nanni Moretti, pseudo-clown qui lance une bouteille à la mer?,
Écrit par : Marie-Josée | 06 octobre 2011