True grit : la vengeance de Mattie (19 avril 2011)
Le western n’est pas mort, il se repose. Bien sûr, l’époque de la profusion, celle où Raoul Walsh, Anthony Mann et John Ford alignaient négligemment les chefs d’œuvre, semble révolue. Rares sont aujourd’hui les cinéastes ayant la témérité de s’aventurer sur un territoire peuplé d’aussi prestigieux fantômes.
Les frères Coen relèvent le défi, empruntant la voie du remake, plus dangereuse qu’il n’y paraît, car elle suscite d’inévitables comparaisons et des accusations de facilité. Cela dit, le film d’origine, connu en France sous le titre « Cent dollars pour un shérif », et qui valut en 1969, sous la direction de Henry Hathaway, son seul Oscar à John Wayne, s’inspirait déjà d’un roman de Charles Portis.
Du haut de ses quatorze ans, Mattie Ross n’a pas froid aux yeux, et elle est bien décidée à faire un sort au lâche contremaître, Tom Chaney, qui a assassiné son père, avant de rejoindre une bande de pillards en terre indienne. Pour mener ce projet à bien, elle fait appel aux services de Rooster Cogburn, un marshall hargneux, alcoolique et borgne, mais abondamment pourvu de « true grit », c’est-à-dire de vrai courage, pourrait-on dire en version édulcorée. Un certain LaBoeuf, Texas Ranger de son état, se joint à la poursuite.
Il en résulte un beau western initiatique, habité d’archétypes savoureusement décalés. Le thème de la vengeance constitue un ressort essentiel du genre, mais s’incarne rarement dans une adolescente de quatorze ans, par ailleurs comptable de son état. Le Texas Ranger sentencieux et le brigand dépressif s’inscrivent dans le même registre, le personnage le plus classique demeurant celui du shérif, sans doute parce qu’il s’agit d’un hommage déguisé à John Wayne, dont Jeff Bridges propose une imitation délectable.
Les frères Coen évitent la parodie. Ils traitent la partition avec humour, mais sans dérision, évitant de bousculer les personnages comme ils le faisaient parfois dans « Fargo ».
L’émotion affleure quand Mattie s’enfonce dans la forêt aux branches nues dont elle ressortira amère et adulte à jamais, et s’impose lors de la scène finale, discrètement bouleversante.
L’excellence des comédiens, depuis Jeff Bridges, déjà cité, jusqu’à Matt Damon ou Josh Brolin, lesquels démontrent leur art de la composition avec maestria, rend le film mémorable. Mais il devient inoubliable grâce à Hailee Steinfeld, interprète du rôle de l’héroïne, dont elle a l’âge et l’insolite charisme.
Un film de Joel et Ethan Coen
Avec : Jeff Bridges, Hailee Steinfeld, Matt Damon, Josh Brolin, Leon Russom, Bruce Green.
Josée Cathala
Au Denfert et ailleurs
06:00 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paris 14, denfert, coen, true grit, lavoixdu14e, lavoixdu14e.info, film | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
On aurait pu ajouter "Ames sensibles s'abstenir", tant la violence est présente, chez ces hommes pour qui la vie a peu de prix...
Les caractères sont bien trempés, le marshall à la justice expéditive, le Texas Rangers invincible et bavard, l'inflexible Mattie, et même son cheval.
A la fin de cette tuerie, les réalisateurs ont voulu une fin un peu plus morale, où tout ne se termine pas si bien pour les héros.
Les frères Coen ont quant même un sacré souffle.
Écrit par : Jacques | 28 avril 2011
Merci à Josée Cathala pour cette belle critique...J'irai voir ce film!
Écrit par : clara | 06 mai 2011
Cette critique est vraiment intéressante et agréable à lire! Même si je ne suis pas très friande de ce genre de film, j'ai beaucoup apprécié la finesse d'analyse sur cette oeuvre.
Écrit par : claire | 17 mai 2011