Une tapisserie descendue du ciel (21 avril 2011)

L’immeuble a trois étages, il est plutôt modeste et légèrement  en retrait de la rue. Autrefois, des jardins devaient l’envelopper et de grands arbres le caresser de leurs branches protectrices. On dirait qu’un léger parfum venu de la campagne, glisse encore sur les pierres, en traversant la grille d’entrée. Dans l’air, flottent les effluves lointaines d’une nostalgie tenace, indéfinissable. Le siècle passé a oublié d’emporter avec lui les poussières grises du temps. Ici, un royaume d’ombres et de lumière, joue en ce début d’après-midi, sa partition « mezzo vocce », tandis que sur les murs se diffusent des stries colorées que le tamis d’un vitrail invisible et pourtant présent, se charge de répandre alentour.

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Nous sommes rue du Moulin vert. Cette partie garde le charme un peu désuet d’une rue de village, fait de discrétion paisible, de sérénité, d’une sorte de timidité que l’enfant ressent à l’orée des mystères de la vie.

Soudain, devant le numéro 32 de cette voie, le regard est happé par l’éclat céleste d’une glycine suspendue à la façade de l’immeuble, par des filins invisibles. On dirait une tapisserie aérienne, où les mauves, les violets joueraient de toutes leurs nuances, pour conquérir l’œil et lui offrir à contempler les arcanes de la légèreté et de la beautés pures. Une tapisserie venue du ciel… posée là, en attente, suspendue, à la grâce effleurant la peau ridée du vieil immeuble avec une intime délicatesse. On est saisi par ce spectacle, tandis que la lumière du soleil se laissant dériver par l’attrait du Ponant, caresse les grappes frissonnantes, sous le filet chatoyant de l’air léger, nimbé d’une impalpable poussière d’or.

On pense aux enluminures d’un livre précieux, serties d’azur. On pense au tapissier céleste qui a tissé la trame végétale de ce chef-d’œuvre. Il vit, invisible, et l’on pressent que chaque nuit, il vient recoudre sur le cadre du métier, les fils cassés par le passage d’un oiseau ou les griffures brûlantes du vent.

Rue du Moulin Vert, une glycine, chaque jour,  recompose et délivre son nouveau visage, une aquarelle dont le peintre a pour seule signature : le ciel.    R.R

 

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