08 avril 2009
La jounée de la jupe, avec Isabelle Adjani, film de Jean-Paul Lilienfeld
Il faut saluer le courage politique et social de Jean-Paul Lilienfeld et d’une Isabelle Adjani décidément toujours sur la brèche, là où on ne l’attend pas. C’est vrai qu’il y a quelques mois , elle s’affichait avec une réalisatrice d’origine algérienne comme elle, Yamina Benguigui, dans un magazine hebdomadaire, pour parler de leur blessure d’enfance immigrée.
Mais là, avec le film « la journée de la jupe », Isabelle prend sur ses épaules de femme « intégrée » à la société française, les problèmes de la 3è génération issue du Maghreb. Ces jeunes de plus en plus déboussolés en même temps que plus violents, plus installés dans des codes de déviance sociale. Ce film montre comment leur dérapage moral, langagier, sexuel, les rend rebelles à l’instruction républicaine, au respect des valeurs établies. Il montre de façon plus pure, moins ambiguë qu’ « Entre les murs »auquel on aurait la tentation de le comparer, la difficulté pour la société d’éduquer sans violence. Des jeunes enragés.
L’histoire est celle d’une prof de français dans un collège de banlieue , contrairement à celui d’ « entre les murs ». Elle est d’origine arabe, mais les élèves l’ignorent. Elle veut les sortir de leur inculture, elle leur tient tête au risque d’être impopulaire, le péché mortel si vous voulez survivre dans ces endroits. A la faveur d’une bousculade, un pistolet sort d’un des sacs des garçons. Refusant de le leur rendre, elle s’en empare, menace ceux qui veulent l’intimider, et finalement, une fois sa classe contrôlée par la peur, elle parvient à faire cours. Et pour une fois, semble-t-il, ses élèves écoutent et apprennent quelque chose. Mais la violence appelle la violence, et Madame Bergerac l’apprendra à ses frais. Car le film, comme la tragédie classique déroulera sa mécanique fatale en respectant la règle des trois unités: de lieu: le théâtre du collège- comme un huis clos; de temps: une séquence d‘enseignement , d’action: une prise de pouvoir de la victime habituelle sur ses persécuteurs qui sera de courte durée. Car l’enseignante est entourée de plus d’adversaires qu’elle ne le pensait.
Le personnel enseignant est autrement décrit dans le film de Lilienfeld, par rapport à celui de Cantet. Les parents ne sont pas non plus montrés sous leur meilleur jour .
On peut regretter la violence qui porte le film sur la crête de nos nerfs, la violence verbale en particulier y est insupportable. On a peine à croire une telle orgie d’injures ordurières, mais quelque chose nous dit que rien n’est inventé ni exagéré. Belle leçon de français qu’Adjani donne à des jeunes qui n’en reviennent pas. Beaux instants que ceux qui nous donnent à voir des élèves qui écoutent, s’intéressent, apprennent…Mais cette bonne volonté, cette obéissance obtenue par la force, n’est-elle pas la tentation qui pourrait nous submerger, nous rappelant des adages d’autrefois: « il leur faudrait une bonne guerre !»La guerre , ils y sont déjà, les raisons en sont multiples; les victimes, elles, seront priées de se taire. Pas pour Jean-Paul Lilienfeld, qui a l’air de bien connaître le milieu enseignant des zones « sensibles ». Félicitations à lui et à ses acteurs connus, Jacky Berroyer, Denis Podalidès, excellents, ou moins connus et inconnus, profs et jeunes. Et pour les admirateurs d’Isabelle Adjani, le plaisir de la revoir enfin, toujours en colère, bouleversée, bouleversante et tellement crédible. Un grand numéro d’actrice!
Marie-Josée Carita
14:59 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : jean paul lilienfeld, isabelle adjani, 75014, ados, journee, jupe, berroyer | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
C'est vraiment excellent, je bookmarke votre blog. Ca fait du bien de vous lire !
Écrit par : streaming film | 14 avril 2010
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