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23 mai 2009

La vol de la mort, Adolfo Perez esquivel, prix Nobel de le paix 1980

Le terrible procès destiné à faire taire l’opposante birmanne Aung San Suu Kyi, montre bien, s’il en était encore besoin, que les prix Nobel de la Paix, sont très souvent très maltraités dans leur propre pays, comme l’illustre le récit qui suit: 32 ans après, Adolfo Perez Esquivel, argentin, prix Nobel de la Paix 1980, raconte le jour où les dictateurs argentins ont tenté de l’assassiner, par défénestration d’un avion. Habitant le 14ème, Francis Gély, ami du prix Nobel de la Paix 1980, a transmis ce récit à La Voix, qui le publie pendant les trois jours qui viennent. Deuxième partie:

J’ai demandé où l’on m’emmenait mais le silence était absolu. Je connais parfaitement la zone que nous survolions car, pendant des années, j’ai navigué dans cette région. Je pouvais voir le Parana de Las Palmas, le Parana Mini et le Parana Guazu, la Barra de San Juan, la ville de Colonia (en Uruguay) et les lumières de Montevideo. Ce parcours était inexplicable ainsi que le temps que nous avons passé en l’air en tournant en rond sans prendre aucune destination.
Les gardes parlaient entre eux à voix basse et l’un d’eux s’approcha pour vérifier comment étaient les chaînes qui m’attachaient au siège et contrôler le cadenas. Je le sentait très nerveux et troublé, mais il restait silencieux et n’osait pas me regarder. Quelque chose devait arriver mais je ne savais pas quoi, bien que je pressentais ce que cela pouvait être. Les militaires attendaient un ordre pour savoir ce qu’ils devaient faire de moi. Puis, le pilote appelle l’officier et ils se parlent à voix basse. Je comprend qu’il lui dit: “ Nous attendons un ordre”.
Beaucoup de souvenirs se pressaient dans mon esprit et dans mon coeur; cependant j’étais serein et ma force venait de la prière, de la foi et de l’engagement assumé auprès des peuples de l’Amérique Latine et de l’Argentine, de mon appartenance, des valeurs et de la lutte pour la vie face aux dictatures militaires. Je me souvenais des êtres chers, de mon épouse et de mes enfants; aujourd’hui 7 mai, c’était l’anniversaire de mon fils Ernesto et j’éprouvais la douleur de ne pouvoir être avec ma famille pour le célébrer ensemble et partager. L’incertitude de ne pas savoir si je m’en sortirais vivant.
J’étais informé du fait que la dictature militaire ordonnait de jeter des prisonners depuis des avions dans le Rio de La Plata et la mer. A Genève, à l’Association Internationale des Juristes, j’avais pu voir quelques micro-films montrant des cadavres de prisonniers que le courant du fleuve avait fait échouer sur la côte uruguayenne.
L’avion continuait à tourner entre la côte et le fleuve. Il faisait très froid et le temps s’écoulait interminable dans une attente incertaine chargée de tensions et d’une odeur de mort dans ce vol qui allait vers nulle part.
Le matin et le soleil commençaient à s’éveiller après une nuit chargée de présages et d’incertitudes. Je demeurais enchaîné dans l’avion sans possibilité de faire le moindre mouvement, sans réponse à mes questions avec seulement quelques regards furtifs et le chuchotement de leurs conversations avec leurs armes toujours sur les genoux. Je me demandais si j’étais arrivé à la limite de la vie, si tout ceci était la fin et j’essayais seulement d’aspirer l’air comme si c’était la dernière bouffée de vie.

(suite demain)

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