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05 avril 2010

Il n'est pas ici, il vous précède en Galilée

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Fra Angelico, la résurrection du Christ et les femmes au tombeau

Nous étions en dehors des remparts, près du gibet de la croix ou très loin, au tombeau des échecs, autour de ceux qui t'on renié, trahi, abandonné. Nous étions autour du feu pour nous réchauffer de la glace de ceux qui ont perdu toute espérance. Nous nous enivrions pour tout oublier. Nous critiquions ce Christ qui avait été abandonné par son propre Dieu et mis au rang du dernier des derniers.

A Gethsémani, la flamme sous nos yeux dansait dans la nuit noire et nous l'avons laissé seul. Il nous avait lavé les pieds et nous ne pensions plus à lui. Il avait donné son Corps et nous avions une faim terrible. Il avait laissé couler sa vie jusqu'à la dernière goutte et nous enivrions de nos faux espoirs. Il nous fait le don de sa grâce et nous lui avons donné le coup de grâce. Il laisse vide le tombeau et nous étions pleins de nous-mêmes.

Et voilà qu'une femme, une pécheresse, Marie-Madeleine, pleure : « on a enlevé mon maître. Il n'est pas ici, dit l'homme en blanc, à l'entrée du tombeau, il vous précède en Galilée ». Et elle de courir vers Jérusalem, à l'intérieur des remparts, là où personne n'ose plus aller vers autrui. Tétanisée par la peur, elle n'ouvre pas la bouche. L'apôtre des apôtres, une fois les apôtres rencontrés, terrés eux-mêmes dans la salle haute, Madeleine, bloquée par son mutisme, tu te mets à crier, à vociférer : il est vivant, il m'a appelé par mon nom !

De la peur au silence, du mutisme à l'expectative, de la désespérance à l'once d'un renouveau, ces onze hommes et cette femme-là qui garde tout dans son cœur, Marie, sa mère, tous, ils se lèvent. Ces premiers chrétiens, en commençant par Madeleine, les voilà qu'ils accueillent celui qui vient à leur rencontre, toutes portes fermées. C'est lui, Jésus, les traces de la passion dans ses mains et ses pieds, dans son côté ouvert, qui débloque les verrous de leur peur. Ils osent alors aller sur le seuil de la porte. Ils découvrent le soleil levant, celui du Prince de la Vie qui est, qui était et qui vient toutes portes fermées. Celui qui surgit de la mort pour illuminer ceux qui gisent dans l'ombre de la mort.


C'est Lui, le feu nouveau qui illumine les ténèbres, le feu que le prêtre a bénit, lui l'Alpha et l'Oméga, le Créateur de toute vie : serait-ce vraiment lui. Mais non, c'est un fantôme. Mais si, c'est lui... Mets ta main dans mon côté, cesse d'être incrédule, sois croyant. Je suis là ! Le Christ de la crèche qui criait dans ses langes. Le Christ de la multiplication des pains et de la tempête apaisée. Celui qui a guéri l'aveugle-né. Cette lumière, tel un cierge pascal, posé fragile en cette sainte nuit fragile, celui qui vient définitivement casser les ténèbres.

Et voilà qu'à tous leurs amis, leurs connaissances et ceux qui sont inconnus, au feu pascal, vite, ils se mettent à courir, à transmettre la lumière en petites flammes fragiles : et elles de se répandre et de se multiplier. En nous nait le désir d'une autre clarté, celui d'un jour nouveau où foisonneront des étincelles de vie.

Nous passons la porte et franchissons le seuil de l'église, le temple, celui du corps du Christ désormais ressuscité et visible en la charité de ceux qui s'unissent pour se livrer comme lui en nourriture de vie. Et plus nous avançons, plus notre propre nuit s'éclaire. D'un seul cœur sortent de nos bouches le feu de l'Esprit nouveau, le chant enthousiaste du croyant : « Joyeuse lumière ».

Voici l'étrange nuit de lumière. Nous laissons naïvement nos yeux pétiller et se laisser fasciner par les innombrables reflets lumineux. Mais il nous faut aussi laisser la lumière entrer par nos oreilles. Nous ouvrons le Livre qui nous raconte notre histoire pécheresse et sainte, notre histoire d'incroyance et de Foi, notre histoire de jouissance et de pouvoir mais aussi nos désirs de servir, nous l'écoutons cette lumière de l'origine qui casse l'obscurité de la désespérance, nous la voyons cette nuit de l'esclavage qui laisse entrouvrir ce proche matin de liberté, nous la sentons cette lumière jaillissante et prophétisée, nous les touchons ces chaines rompues des prisonniers, nous le goutons ce pain du Ressuscité.

Le lendemain, nous voilà invités à marcher vers Emmaüs en sa compagnie, même sans le reconnaître. Voyage pour partir en grand chemin, sans savoir où nous allons, mais livrant notre confiance en celui avec qui nous marchons. « Ne me retiens pas », quitte ta maison. Va vers l'autre rive, celle de l'Autre, celle du Tout-Autre. Allume en ton cœur cette lumière de la Foi, au-delà de cette lumière que tes yeux avaient cru fixer et aimer, mais toujours au-delà. Cherche à contempler cette lumière invisible que les paroles de vie éveillent en ton cœur.

C'est alors que ces nouveaux croyants, dans leur marche, nous invitent à changer, à nous engager à notre tour dans cet étroit passage, à risquer de nous mouiller. Ils nous parlent de la multitude de ceux qui nous ont précédés et qui s'étaient déjà engagés dans cette clarté.

Ils prirent l'eau pour nous tremper et nous plonger dans l'aventure des passants et des passeurs.

Enfin nos yeux virent ce qu'on ne peut voir. L'autel où le prêtre préside nous ressemble, habillé d'une même vêture blanche et éclairé des lumières avec qui nous avons cheminé, il porte ce modeste pain comme la crèche avait porté ce modeste enfant. Illuminés et revêtus de blanc, nous le reconnaissons à la fraction du pain.

Nos yeux enfin s'ouvrent, nos mains enfin se tendent vers l'autre, nos pieds enfin accourent vers ceux qui ne le connaissent pas. Nous reconnaissons qu'il est vivant, qu'il est présent au milieu de nous et nous précède en Galilée. Nous reconnaissons que nous sommes aujourd'hui sa présence, que nous devenons son corps, son sang. Nous devenons son Église rassemblée, participant à sa Pâque. Nous devenons l'autel, le pain, le vin. Livrés, donnés sans rien retenir de nous-mêmes. Pain livré pour nourrir l'humanité encore dans les ténèbres, pour lui offrir et notre fraternité et notre amitié. Vin versé pour abreuver, pour réjouir. Amour livré et donné pour être donné en abondance en étant envoyés. Devenir filles et fils, semblables au Fils unique, envoyés du Père.

Quand, tout à l'heure, nous sortirons, dehors, le feu devant la porte ne sera plus que poussière et cendre. Mais nous sommes envoyés pour être les témoins de la lumière qui ne s'éteint pas, de son pardon qui jaillit de la cendre de nos péchés, pour être la mèche de la vie qui ressuscite et signe de la lumière intérieure qui ne s'éteint jamais : cette clarté nouvelle et invisible qui échappe à la mort, cette lumière plus forte que tout.

Fr Benoît Dubigeon, ofm

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