21 juin 2023
De Paris en Quercy, Eugénie Gall, s’en est allée doucement…
Une amie poétesse de grand talent nous a quittés à l’âge de 96 ans. Un dernier voyage en Quercy, accompagné du gospel « Lets my people go » et de l’Hymne National occitan « Se Canta », tandis que sonnait la cloche dont son époux François Gall fut parrain, sans être catholique.
Eugénie Gall, maman de Marie-Lize, elle-même poétesse honorée de divers Prix, et membre d’ An Amzer Poésies, se réjouissait de voir ses textes publiés dans notre revue bretonne. Fidèle lectrice, elle la présentait avec grand enthousiasme à son entourage amical et culturel, tant à Paris que dans son Quercy où elle participait aux diverses rencontres poétiques. Elle y était totalement impliquée dans les domaines patrimonial, artistique et plus encore, à l’entour de Martel, cité de caractère d’où étaient originaires plusieurs générations de ses ancêtres, leur dédiant divers poèmes.
Eugénie Gall à l’entrée de la mairie de Martel
photo Joachim Sahuquillo
Un engagement social et culturel. Fille unique d’Anna Charazac, directrice de son atelier de couture, et Ferdinand Chassaing charron—ferronnier-constructeur-carrossier, Jeanne - Eugénie vécut toute son enfance à Martel, imprégnée de cet amour du terroir qui ne la quittera jamais. Pensionnaire au Collège de Brive, elle poursuit ses études à la Sorbonne à Paris. « Inconsciemment j’ai toujours su que je devais m’engager, sûrement au contact de mes parents […] les premiers à affilier leurs ouvriers et couturières à la Sécurité Sociale avant d’être obligatoire ». Engagement citoyen partagé avec son époux, l’artiste-peintre d’origine hongroise, François Gall qui lutta avec ses camarades pour l’instauration de la retraite des artistes, notamment lors des Commissions au ministère de la culture.
Ainsi, Eugénie s’est investie durant 18 ans de mandat municipal non rémunéré par choix personnel, aux affaires culturelles et sociales de « la Ville-aux -7 - Tours ». François l’aide financièrement à créer l’Association Art et Histoire attirant de nombreux collectionneurs étrangers, ce qui permet de sauver des trésors en péril, la maison du sonneur contiguë à l’église, en imposer d’autres, telle la création des cours gratuits d’occitan, langue qu’elle aimait parler, écrire, traduire et transmettre aux jeunes, relancer les marchés disparus depuis 1960, créer Les Journées du Goût, de la Truffe, de la Noix avec ses Prix par catégories. Les Trophées offerts, sont réalisés amicalement par Marie-Lize, à l’Atelier Terre et Feu du 14e arrondissement. Intronisée auprès des Chevaliers du Taste-Vin, Eugénie, femme d’action lance aussi bien le Festival des « Fêlés de la Bande Dessinée » que la Commémoration du Bicentenaire de la Révolution française en pays occitan. Le budget de fonctionnement permet la rénovation des rues médiévales, l’évolution des associations locales, François s’investit personnellement dans celles de la fanfare des Aiglons, l’équipe de foot, le musée de la Raymondie… autant de sujets annotés en réunions, et deviennent des pages poétiques. Rien ne se perd…
Eugénie fut également la muse, traductrice et le modèle chéri de son époux, fameux pour ses expositions en de nombreux pays, où il fit connaître Martel et le Grand Montparnasse. Présent en des musées et célèbres Galeries parisiennes, Durand-Ruel, Bernheim-Jeune, Wally Findlay, André Weil... ses tableaux et dessins sont toujours accompagnés des poèmes d’Eugénie. La vie sociale est riche de rencontres et reconnaissances officielles, mais aussi d’engagements auprès d’artistes démunis accueillis par le photographe Marc Vaux. Totalement engagées, son épouse et Eugénie les régalaient de quelques plats. L’atelier de la Villa Brune est souvent adresse de transit pour les compatriotes fuyant les répercussions de la guerre, avant octobre 1956.
La vie familiale, à l’instar de Vuillard, elle se lit sur divers tableaux, les grands parents martelais, les trois enfants, Marie-Lize, Jean-Francois, Elizabeth-Anne, décédée trop tôt d’un accident de voiture, quelques collectionneurs posent pour l’artiste. Définitivement installé dès 1953 dans le 14e arrondissement, Villa Brune, l’artiste délaisse les sujets de guerre pour croquer sur le motif le quotidien de Paris, parcs et champs de course, Montsouris, Luxembourg, Boulogne, Auteuil, Dauphine jusqu’aux courses de Gramat en son Quercy d’adoption. « Vous êtes le peintre du bonheur que vous nous rappelez, et nous l’avions oublié … » lui écrit l’ami affichiste Savignac, voisin quelque temps en leur Villa Brune, et retrouvé souvent en famille à Trouville.
Poèmes d’une muse à son peintre. Lors du Concours de Poésie et Nouvelle de notre ministère des Finances, où nous sommes tous deux membres du Jury avec Nicole Lamothe critique d’Art, Marie-Lize, a proposé à An’ Amzer les poèmes de sa mère et les siens. Une participation depuis juin 2015 où Bernard Trèbaol, notre Maître d’œuvre y présentait une courte anthologie des poésies accompagnant les tableaux de Gall lors de la Rétrospective consacrée par une galerie au Tessin.
Décembre 2022, notre revue N° 71 présente « Premier Noël-Maternité » illustré d’une gouache sur papier de 1947 (1), d’un rouge intense. La jeune mère y arrondit les bras en berceau autour de Marie-Lize… un message en ce Noël 2022 ? Le dernier ? Elle est arrivée trop tard à Martel pour prendre à son tour sa mère dans les bras. Ce choix d’illustration est l’ultime cadeau d’une maman à sa fille, avant d’aller retrouver son cher François et leur Elizabeth-Anne, tout là-haut au Paradis des Artistes.
Grand Merci Belle Dame pour l’altruiste et incomparable richesse de votre existence, pour vos écrits jusqu’à votre dernier souffle, aux sons de la langue d’Olt. Vos classeurs poétiques nous resteront ouverts, pour perpétuer notre beau souvenir de vous, chère Eugénie.
Jacques Prémel - Cabic, An ‘ Amzer - Avril 2023
1) Voir article publié le 22 décembre 2022 dans notre Blog la Voix du 14ème
Maternité
Gouache sur papier de François Gall (1947)
Premier Noël
Sous la palme du feuillage,
Le parfum des fruits mûrs
Alourdis de lumière
Se mêle à l’anémone
Aux vibrantes paupières
Caraco de coquelicot.
Jeune mère, elle serre sur son cœur
Le fruit de son amour.
Effluve brûlant, et la lèvre et la joue
Sur le front du nourrisson.
Il monte de l’été
Une étourdissante ivresse.
Semant jour après jour grain d’allégresse
Qui fait aimer, toujours.
Éclats de tendresse enroulés au souffle cuivré
D’un automne gaufré,
Danse d’une flamme rieuse
Qui réchauffe prémices de l’hiver.
Sous la palme du houx perlé de gui
Le parfum d’un premier Noël.
Eugénie Gall
13:57 Publié dans 6- Art, Culture, Patrimoine, Figure de quartier, Histoire du 14ème, peinture, poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | | Imprimer |
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