09 août 2010
Ah ! Monsieur Ledoux, vous êtes un terrible architecte
L'écrivain Louis-Sébastien Mercier, défenseur du petit peuple de Paris prenait ainsi à partie l'architecte Claude-Nicolas Ledoux et tempêtait contre le mur des Fermiers Généraux, «inconcevable muraille où les antres du fisc sont transformés en palais à colonnes »
Sous l'Ancien régime, les Fermiers Généraux étaient chargés de percevoir les impôts du Roi, et en particulier l'octroi, taxe payée par les marchandises qui entraient dans Paris. En 1785, pour éviter la contrebande, il est décidé de construire le mur des Fermiers Généraux, barrière douanière qui encerclerait le Paris de l'époque à l'emplacement de nos grands boulevards. « Le mur murant Paris rend Paris murmurant » disent les 500.000 parisiens.
Architecte inspiré et ingénieur des Eaux et forêts, Ledoux a découvert Palladio en Angleterre. Après avoir construit des demeures pour l'aristocratie parisienne, des constructions publiques à Besançon, Compiègne, Aix en Provence, il érigea, pour produire le sel à partir d'eau de sources salées, les salines royales d'Arc-et-Senans,
Les salines d'Arc-et-Senans en Franche-Comté
, une cité ouvrière idéalisée, d'un caractère révolutionnaire. Son architecture associe le répertoire antique et le symbolisme de formes géométriques simples.
En 1785, il reçoit la commande des 55 pavillons d'octroi et du mur des Fermiers Généraux. L'Etat royal aurait été mieux avisé de prendre un architecte plus modeste et d'éviter l'affichage aux entrées de Paris de symboles d'oppression. Comment ne pas juger choquante la réalisation de bâtiments, qui coûtaient davantage que l'impôt qu'ils étaient censés collecter ? Ledoux presse les travaux dont il sent l'issue incertaine, mais ne peut mener son entreprise à terme, déchargé de sa tâche par le Roi pour avoir voulu édifier des bâtiments trop provocateurs.
En 1789 des pavillons sont incendiés, mais le projet de Ledoux est presque intégralement réalisé. En juin 1790, la Ferme installe ses employés dans les bureaux, mais en mai 1791, l'octroi est supprimé ! Il sera rétabli plus tard et définitivement abandonné à la guerre de 14-18.
L'impopularité de l'octroi rejaillit sur Ledoux, suspendu de ses fonctions en 1787 et révoqué en 1789. Sous la Terreur, il sera emprisonné en 1793, et échappera de justesse à la guillotine.
Il reste deux de ses pavillons d'octroi, place Denfert-Rochereau et place Stalingrad, de même que les colonnes de la Nation. Des deux pavillons de Denfert, appelés barrière d'Enfer, l'un donne maintenant accès aux Catacombes, l'autre abrite l'Inspection générale des Carrières de Paris. Leur style est typique de Ledoux, qui rêvait de propylées, entrées monumentales des temples, en édifiant ses palais à portiques. Le nom d'Enfer vient de la voie romaine Via Inferior, qui passait là.
C'est seulement après 1870, que la place prend le nom de Denfert-Rochereau, colonel qui défendit courageusement Belfort contre les Allemands en 1871, ce qui permit au territoire de Belfort de rester français. En son honneur on y plaça la réplique du colossal lion de Belfort sculpté par Bartholdi, auteur de la statue de la Liberté à New York, réalisée dans son atelier du 14ème.
A.C.
05:00 Publié dans 6- Art, Culture, Patrimoine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claude-nicolas ledoux, paris 14, lavoixdu14e, fermiers generaux | Facebook | | Imprimer |