05 décembre 2008
Séraphine, un film de Martin Provost
Peintre naïf ou primitif moderne, Séraphine est-elle un exemple unique, illustrant la peinture contemporaine ? Le film de Martin Provost apporte un éclairage qui se veut le plus objectif et sensible possible. Car il s’agit bien d’une énigme où l’on voit une femme de ménage au service de maîtres méprisants et autoritaires, vouer une passion totale à la peinture, « sa » peinture – sans doute sa seule raison de vivre - peinture détachée du réel, mais cependant reprenant les thèmes de la nature, en particulier ceux se rapportant à la flore des champs et des jardins. Nature recomposée, sublimée, traversée par une inspiration quasi onirique, à la fois brute et naïve, où l’artiste s’exprime sans aucune contrainte et en toute liberté.
Ce film par la sensibilité des images, par la révélation des émotions intériorisées, nous éclaire sur les souffrances de la création, ses dérives, le glissement progressif vers une folie souterraine, qui débouchera pour Séraphine, sur son internement en milieu psychiatrique. Au-delà de ce naufrage humain, la redécouverte de la nature apaisante, donne à cette histoire la dimension d’une véritable rédemption, par la sérénité qu’elle développe et l’acceptation de la destinée qu’elle engendre.
Yolande Moreau porte sur ses épaules tout le film. Elle exprime avec retenue et nuance une vaste palette de sentiments tout en nous dévoilant l’intimité ultime de son personnage. Elle joue avec un naturel lumineux. Elle exprime la vraie douleur, le doute. La solitude qu’elle porte en elle nous émeut, parce que celle-ci se situe bien au-delà de tout artifice.
Avec Ulrich Tukur, dans le rôle du mécène-collectionneur Wilhem Uhde, apparaît l’étonnement face aux œuvres de Séraphine. Peu à peu, il tissera des liens de confiance avec cette femme simple et habitée. On sent ici et là que la tendresse n’est pas absente entre ces deux êtres… Mais bientôt, ces liens se dégraderont devant les exigences et la folie montante de l’artiste.
C’est un beau film, rare, exigeant, où la douleur humaine est traitée avec respect, délicatesse et sobriété. Il nous fait pressentir l’abîme dans lequel se noiera Séraphine, artiste visionnaire mais abandonnée. La solitude, la folie sont les prix à payer pour l’artiste inspiré. Le spectateur lui, ne peut sortir de cette histoire simple, que bouleversé, transformé, mais jamais indemne.
R.Rillot
07:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : martin provost, yolande moreau, ulrich tukur | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Si vous n'avez pas encore vu ce film magnifique, sans doute un des meilleurs de l'année, allez cette semaine à l'UGC Rotonde Montparnasse, 103 boulevard du Montparnasse. Ce film sait exprimer la passion dévorante quasi mystique de la création qui s'empare d'un artiste. Mais cela sans grande phrase ni effet, simplement par une plastique tellement sensible que chaque plan est un plaisir des yeux ! Martin Provost a réalisé un film ausi captivant que beau ! Yolande Moreau y est tout à la fois drôle et bouleversante et Ulrich Tukur par son jeu fin et subtil traduit le lien mystérieux qui s'établit entre l'amateur d'art et une oeuvre.
Écrit par : claire | 05 décembre 2008
Ce film passionnant nous fait voir la magie du peintre en action. Puis-je ajouter que le prix payé par Séraphine est celui de la difficulté pour le génie- et non le talent- d'être repéré et soutenu par des mécènes aussi inspirés que lui. Il n'est pas fatal!
Ainsi l'amateur d'art /acheteur du film est-il vite dépassé par l'extravagance de sa protégée qui vit, elle, dans la démesure d'une explosion créatrice inhabituelle chez l'humain de nos contrées. Qui était préparé à l'époque à accueillir le talent d'une Séraphine? Aujourd'hui on a des artistes comme Sophie CALLE qui , elles, sont reconnues et ovationnées de leur vivant. Séraphine, née trop tôt... Une pionnière de la version féminine, hors norme, de la création artistique?
Écrit par : Marie-Josée | 07 décembre 2008
Ce film est actuellement projeté dans les salles UGC qui participent au festival des Incontounables 2008 de l'année au prix de 3€ la place. Profitez-en !
Écrit par : claire | 19 janvier 2009
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