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07 octobre 2018

Maraude à Monrparnasse

Photo homme dans la rue.jpgChaque semaine, des jeunes de la conférence Saint Vincent de Paul de la paroisse Saint Pierre de Montrouge vont à la rencontre des gens qui dorment dans les rues du 14e. « La Voix » les a suivis.

Ils sont trois devant la vitrine d’un magasin, vers l’angle de l’avenue du Maine et de la rue Jean Zay. A l’abri, sauf quand il pleut très fort. Ils ont étendu leurs couvertures et leurs duvets sur le sol. Teddy, la quarantaine, son amie Agathe, qui donne son âge : 28 ans. Et un autre Teddy, la trentaine. Tous les trois soudés, à la rue depuis plusieurs mois.

La conférence Saint-Vincent « Jeunes » de la paroisse Saint Pierre de Montrouge – elle s’est donné le nom « conférence Mère Teresa » - va chaque lundi à la rencontre des personnes de la rue. Ils sont dix à quinze chaque semaine, entre 20 et 35 ans, à parcourir le quartier par groupes de deux ou trois. Dans leurs sacs à dos, des thermos de café, de thé et de soupe servent autant à réconforter du froid qu’à entamer la conversation. Quelques vêtements complètent l’équipement.

« Plusieurs associations sillonnent les rues de la capitale, explique Capucine, une jeune journaliste qui fait partie de l’équipe « Mère Teresa » depuis trois ans. Elle partage ce soir la maraude avec François, un jeune ingénieur. On ne meurt pas de faim à Paris. Mais on peut y mourir d’isolement, de solitude. Nous avons choisi de ne pas distribuer de nourriture. Nous recherchons en priorité le contact, l’échange. »


Avec Agathe et les deux Teddy, l’échange est facile. La jeune femme, visage lisse et belle chevelure brune, ne présente aucun des stigmates des gens de la rue. Ses parents ont un appartement dans le 15e. « Ils m’ont dit que je pouvais y vivre, mais sans mon copain, et sans ma chienne, raconte-t-elle avec fermeté. J’ai dit non, je reste dans la rue, et ils le savent. » Son Teddy, ancien ouvrier du bâtiment, a connu la prison. Il a eu un appartement, qu’il a dû quitter. Le couple pense partir vers Antibes. Agathe, qui a commencé à travailler dans un bar à l’âge de 15 ans, veut retrouver un emploi dans la restauration, dans une crèche, ou auprès de personnes âgées.

Cinquante mètres plus loin, un homme seul, la quarantaine, a planté sa tente. Il s’appelle Dominique, et il n’est pas causant. Il accepte un café très sucré, dit qu’il loge là depuis quelques jours mais il bloque très vite la conversation. « Sa tente est neuve, il reste très propre, remarque François en s’éloignant. Cet homme est sans doute à la rue depuis peu de temps. Souvent, ceux qui débarquent sur le pavé ressentent de la honte. »

La maraude se poursuit avec la rencontre de Roberto, au bout du boulevard de Vaugirard, derrière la gare Montparnasse. L’échange se résume à des sourires, il refuse le café et ne parle pas. Peur ou totale méconnaissance du français ? Impossible à savoir. Retour vers la place Bienvenüe. Derrière le kiosque à journaux, proche des cinémas, Aurel, barbe non rasée depuis plusieurs jours, la cinquantaine, assis sur son duvet, répond avec quelques rares mots de français. Il semble heureux que l’on s’intéresse à lui. Il est roumain et accepte le café, une chemise et un pullover. Avant que les  jeunes de Saint Vincent le quittent, il leur serre les mains avec chaleur.

Combien sont-ils, dans le 14e, à dormir ainsi dans la rue ? Impossible à savoir, mais des dizaines, sûrement. français et étrangers, blancs, noirs ou bronzés, tous avec une histoire difficile dont ils parlent rarement au premier contact. Ces oubliés de la société (surtout des hommes) déroulent parfois un curieux CV. Comme Enzo, trouvé boulevard Edgard Quinet, installé devant le mur du cimetière de Montparnasse, avec couvertures, bibelots et petites figurines-jouets. 60 ans, les cheveux longs et gris, il affirme qu’il « aime vivre dans la rue », qu’il touche une retraite de fonctionnaire. Il fut gardien de prison dit-il… Sa sœur habiterait Paris. Vérité, affabulation ? Il parle facilement, rit et plaisante. « Je n’ai jamais rencontré un tel discours, s’étonne Capucine.

Retour vers le centre paroissial de Saint Pierre, où toutes les équipes se retrouvent. Capucine, François, Jean, Robin, Guillaume, Florian, Juliette, Adéodat, et le Père Jean-Charles Barboure, échangent sur la soirée. L’équipe qui est passée par Port-Royal a rencontré, comme presque chaque lundi, un groupe d’une trentaine de réfugiés africains, très demandeurs. Des situations pas faciles à gérer. Dans le petit oratoire du centre paroissial, les jeunes entonnent un cantique de louange, puis un Salve Regina et remercient pour la richesse des échanges permis par la maraude. Prochain tour de quartier la semaine prochaine...

Gérard Desmedt

La conférence jeunes assure les maraudes du lundi, mais aussi des séances de lectures auprès de personnes âgées et malades, des goûters festifs « Heureux les invités » une fois par trimestre pour les personnes isolées, et un réveillon solidaire le 31 décembre.

Contact : Conf.mere.teresa@gmail.com

Responsable : Marie Larivé

https://sites.google.com/site/confmereteresa

Commentaires

Merci à Gérard Desmedt pour cet article plein de "ressentis" très pertinents.

Écrit par : de Maistre | 07 octobre 2018

j espère que vous n'oubliez pas ceux qui séjournent près des grands voisins

Écrit par : mx | 07 octobre 2018

Les commentaires sont fermés.