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11 juin 2008

Le passage Joanès

4cf88a5b714bc6bb5f694b891810a08f.jpgUn corridor ? Une sorte de sas ? Entre la rue Didot et la rue Joanès, ce passage presque invisible pour l'oeil distrait, s’est trouvé blotti entre deux murs aveugles. C’est un couloir si étroit qu’aucun trottoir n’a pu être prévu. Seul, végète ici un petit immeuble isolé et en retrait, une sorte d’île en pleine mer, une île de silence. En ce lieu, aucune rumeur ne passe et ne parvient à faire éclore le moindre soupçon de vie. Il n’y a rien à voir. On passe et cela suffit. De chaque côté, des murs aveugles, des murs-remparts qui n’offrent que leur ombre à tout regard. Et l’ombre protège l’étranger qui chercherait à sonder les flancs muets de cette quasi forteresse. On souhaiterait que des arbalètrières s’ouvrent sur le ciel, que la lumière traverse l’espace clos de ce boyau, que le rire d’un enfant s’échappe et fleurisse les quelques mousses humides que le pavé luisant déchiffre.

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Mais non, le vide, la vacuité, le non-être s’arrangent pour tenir en haleine le passant jeté dans le désarroi d’une attente insupportable et l’ événement qui ne surgira jamais.  Soudain, une sorte d’angoisse rampante surgit dans l’air, dans la reptation lente d’une quelconque limace. Le promeneur obtiendrait-il un sursis pour surseoir à sa déception vaine ?

Le passage Joanès intrigue par l’incongruité de sa présence en ce point particulier de Paris. Trait d’union ou de rupture ? La rue Didot, flamboyante par ses lumières et pimpante de ses commerces, se refuse à combler le fossé qu’a creusé l’intrus au sein d’un quartier animé et populaire. Deux univers parallèles, deux continents en vis-à-vis. Un océan invisible les sépare. L’union est impossible, le divorce est permanent.

Alors, toi le passant somnambule qui empruntera le passage Joanès, fais attention que le filet de l’imaginaire ne t’étouffe, au milieu du gué, là, où la raison est sans domicile fixe, là où le hasard fantastique parle à voix basse dans la nuit de tes songes, une nuit où le regard blafard d’une lune livide et muette, cisèle la passementerie de quelques rêves insolites...

Toi le flâneur, amoureux des impasses et des cours secrètes, des jardins dérobés, des énigmes du faubourg, des portes cochère que verrouillent les mystères de la ville, ne traverse pas le passage Joanès, qu’en évoquant la protection de la Providence, afin que les issues ne se referment sur tes épaules. Rappelle-toi qu’il y a des lieux  éloignés de toute lumière, où le soleil n’a jamais réussi à placer son empire.

R.R