21 décembre 2017
Un Oscar d’honneur pour Agnès VARDA
Une citoyenne du 14e récompensée à Los Angeles
Agnés Varda à la cérémonie de remise des Oscars (photo droits réservés)
Tonique, infatigable, un tantinet espiègle, Agnès Varda a fait claquer un vent de fraîcheur sur le Dolby Theâtre lors de la cérémonie de remise de son Oscar d’honneur par Angelina Jolie, pour l’ensemble de son œuvre et sa forte implication dans l’art cinématographique. Le tout Hollywood refroidi par ce dernier mois de révélations d’autant plus glauques qu’elles étaient connues, se réchauffait, applaudissant à tout rompre comme on chasse de vilaines mouches, ou un mauvais souvenir. Ce soir du 11 novembre, il n’avait d’yeux que pour elle, enjouée, facétieuse, sa tunique vaporeuse virevoltant dans son petit duo de danse improvisé avec la jolie Angélina. Un public conquis qui se souvenait enfin d’une de ces premières réalisatrices à s’imposer dans un milieu majoritairement masculin, grande figure de la Nouvelle Vague. Et ceci, sans ambiguïté, par son seul talent, son réel amour du cinéma, de l’Art, des gens – de tous les gens, comme elle l’a écrit dans son discours prononcé en un anglais courant, ayant vécu à Los Angeles. Généreuse, ouverte mais réfractaire à toute recherche d’Honneurs, naturelle et sans artifices, elle a de quoi glacer quelques magnats de l’Industrie du Cinéma (vous avez dit Industrie ?) ou encore certains acteurs et actrices adeptes de compromissions, ou de l’inconditionnelle chirurgie esthétique. «Pour les américains qui ont tellement peur de l’âge, je représente l’inattendu : j’ai beaucoup aimé vieillir, même si je m’abîme un peu». Sa vitalité intacte qui avait alors ébloui le jeune étudiant Spielberg, ou Harrison Ford, puis Roger Thérond le patron de Paris-Match avec lequel elle partageait la passion de la photo, est une belle leçon de naturel et de jeunesse.
Avec sa voix tour à tour charmante et gouailleuse et le clin d’œil de sa coupe de cheveux bicolore, elle est restée jeune, en harmonie avec ses enfants, Rosalie productrice et directrice artistique, Mathieu acteur et metteur en scène. Ils assurent en famille la pérennité de l’oeuvre construite avec son mari. Ce fut le thème d’une émouvante matinée interactive avec le public, à la Cinémathèque, suite au décès de Jacques Demy en 1990.
Mais elle est aussi « …la liberté incarnée, celle dont on se dit qu’elle est presque impossible» confie JR. l’artiste Street Art et photographe de 50 ans son cadet, avec lequel elle a réalisé le film documentaire- reportage «Visages Villages» sillonnant la France avec son camion. Du rêve, de la poésie, des jeux de mots, et surtout des rencontres humaines spontanées. Sorti en juin, il est attendu en mars à la 90ème cérémonie des Oscars de Los Angeles. C’est un beau parcours depuis «La pointe courte» et «Cléo de 5 à 7» (notre première séance cinématographique à l’école secondaire) pour cette octogénaire aux multiples talents, complémentaires de ceux de Jacques, que Pierre Castagnou, alors maire du 14e, avait tenu à honorer en donnant son nom, Jacques Demy, à la Place du marché, près de la mairie.
Hollywood, Paris et autres Capitales peuvent dire un grand MERCI à Agnès Varda, même si elle considère recevoir « un cadeau (…) un …Oscar d’honneur, c’est surtout une preuve d’amour des artistes américains, des actrices, des cinéphiles, des étudiants qui, eux, me connaissent». Il s’ajoute aux plus hautes distinctions déjà reçues, entre autres, Palme et Lion d’Or, Césars, Award de Film et de documentaire, Prix français et étrangers. « Citoyenne du 14éme arrondissement » comme elle aime à se présenter, elle en est l’une des belles âmes, une bonne fée chère à nos cœurs dans sa maison rose et son couloir de verdure.
Marie-Lize Gall
Membre de l’Association des Journalistes du Patrimoine
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10 décembre 2017
Ce héraut à l’épée de bois
Ce héraut à l’épée de bois
Il est trois heures,
Paris ne s’éveille pas,
Paris ne le sait pas,
mais la femme gît, gelée
Boulevard Sébastopol,
sur ce coin de trottoir transi.
Il a trois mois,
il ne le saura pas,
il gît gelé
dans une carcasse de bus,
Seine Saint-Denis,
ses parents accroupis, cassés.
Hiver 54.
Par ce soir tout blanc,
au plus fort de la nuit,
un impatient capucin,
jaillit enfin
de son fauteuil douillet,
de son logis vitré
pour bâtir des nids
de bois, de tôle,
pour courir vers les sans-abris,
les cabossés de la vie,
et ne plus s’arrêter.
Actes de Pierre.
Comme eux, les « couche-dehors »,
Henri Grouès n’a plus de nom,
sinon « Saint Jean-Bâtisse ».
Comme eux, il est une forme,
une ombre dans la ruelle d’une ville,
mais déjà une silhouette, une voix,
« Mes amis, au secours ! ».
Héraut de cape et de canne,
il signe ses appels à la pointe d’un bois
de cornouiller,
frappant les pavés glacés
et les cœurs gelés.
Marie-Lize Gall
Extrait de « Pages Ouvertes » Revue du Ministère des Finances 2008
Illustration : Fusain gouaché de Marie-Lize Gall ( cliquez sur l'image pour la voir en grand)
14:53 Publié dans Figure de quartier, poésie, Solidarité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie-lize gall peintre, abbé pierre | Facebook | | Imprimer |