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26 mai 2007

Un « grand homme » des missions : la mère Javouhey (2 / 4)

Voir l'article précédent. 

[ « Ce sont les enfants que Dieu te donne…] (Les inter-titres ne sont pas de Daniel Rops)


" Le ciel même s'en mêla. Tandis qu'à Besançon, chez les sœurs de la Charité, elle faisait une retraite et suppliait Dieu de lui montrer sa route, elle eut une vision ; de très nombreux hommes à la peau noire se tenaient autour d'elle et lui tendaient des mains implorantes.  Or,  elle n'avait jamais vu  de noirs, la petite Javouhey : peut-être même ignorait-elle leur existence.

Mais une voix ineffable retentit à ses oreilles : « Ce sont les enfants que Dieu te donne. Je suis sainte Thérèse et je serai la protectrice de ton ordre. » La vocation missionnaire d'Anne-Marie Javouhey était née.

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 Dans le parc de la Maison-Mère des Soeurs de St-Joseph de Cluny, rue Méchin (Paris XIV°)

Tout désormais marcha bien. L'évêque de Dijon, à qui Anne-Marie fit part de ses desseins, les approuva, lui donnant même l'aile d'un ancien couvent de bénédictins. Le 12 mai 1807, grâce à lui encore, l'« Association religieuse Saint-Joseph » naquit, et les premières religieuses du nouvel institut prononcèrent leurs vœux définitifs. Elles portaient la robe bleue des vendangeuses de Bourgogne, la grande coiffe retombant aux épaules, le large plastron blanc, qu'elles allaient vite rendre célèbre. Les vocations affluant, le bâtiment dijonnais devint trop exigu ; ce fut à Cluny qu'on en trouva un autre. Ainsi naquit le vocable sous lequel les filles de Nanette Javouhey deviendront populaires : les sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny.

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 La cour intérieure de la Maison-Mère à Paris, rue Méchin.

[ En mission à l’Ile Bourbon]

Elles commencèrent modestement, dans les premières intentions de la fondatrice, faisant le catéchisme et ouvrant des écoles. A Paris même, dans le quartier du Marais, elles en créèrent une en 1814, qui connut un vif succès.

Mais la mère Anne-Marie n'avait pas oublié la vision ni son grand dessein. Encore fallait-il que la Providence lui fît signe. Ce qui advint en 1816. M. Desbassyns de Richemont, intendant de l'île Bourbon — la Réunion actuelle — ayant demandé au vicomte Laine, ministre de l'Intérieur, s'il ne connaissait pas une congrégation de religieuses disposée à venir s'occuper de ses indigènes : « J'ai ce qu'il vous faut ! », lui fut-il répondu. Et, convoquée sur-le-champ, sans qu'elle en éprouvât de surprise, la mère Javouhey s'entendit proposer d'aller prendre en main toute l'éducation et les œuvres charitables dans l'île lointaine, ce qu'elle accepta instantanément. Le 10 janvier 1817, à Rochefort, quatre religieuses en robe bleue s'embarquaient pour cette aventure : la première pierre d'un grand édifice missionnaire était posée.

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[ La mission de St-Louis du Sénégal ] 

La fondatrice n'était point partie elle-même ; ce n'était pas que l'envie lui en manquât ! Mais outre qu'il lui était difficile de quitter si tôt son œuvre, elle se réservait pour un autre dessein. Les « enfants » que Dieu lui avait donnés étaient en Afrique. Justement la France y possédait un modeste territoire, le Sénégal, porte d'entrée du continent noir. A vrai dire, peu de chose : une colonie mal administrée, dont la population indigène n'avait guère reçu des Blancs que leurs vices, une capitale délabrée, Saint-Louis, où l'église tombait si évidemment en ruine que le préfet apostolique quittait les lieux, découragé. Mais on ne décourageait pas pour si peu la mère Javouhey et ses filles !

Ci-dessus la statue de la Mère Javouhey (Maison-Mère, rue Méchin)

Un premier peloton de six religieuses s'embarqua, sous la direction de la plus jeune sœur d'Anne-Marie, Claudine, devenue la mère Rosalie. Un de leurs frères partit aussi, Pierre, qui était prêtre, mais, de caractère faible, réussit mal, et rentra. Les religieuses, elles, tinrent bon. Tracasseries de l'administration, épidémies, manque d'argent, rien ne les fit lâcher pied.

Cependant, la mère Anne-Marie se démenait pour que Rome envoyât un nouveau préfet apostolique, et Paris des secours en médicaments et en vivres. Elle était devenue un personnage, la chère mère : le duc Decazes aimait s'entretenir avec elle ; il n'était ministre qui ne l'eût en considération. Les vocations affluaient à Cluny, si nombreuses qu'on pouvait non seulement expédier du renfort à la Réunion et au Sénégal, mais faire des fondations à la Guadeloupe et en Guyane, sans parler de divers coins de France.

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Le rêve de la mère Javouhey se réalisait, mais sans qu'elle eût encore mis la main elle-même à la pâte et fréquenté ses chers Noirs. Son œuvre n'avait plus besoin d'elle en France. Avant même que ses sœurs eussent eu le temps d'élever des objections, elle s'embarquait en direction de Saint-Louis du Sénégal, à bord de « La Panthère » ; c'était le 1er février 1822." (à suivre)

Daniel Rops,  (Dans « L’Eglise des Révolutions ») [Histoire de l’Eglise tome X, pages 261 et sq ] 

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