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14 septembre 2009

Théâtre 14 : les femmes savantes

Lesfemmessavantes2.jpgMolière, fin observateur de la société de son époque, sous couvert de dénoncer les artifices du langage précieux et amphigourique en vigueur dans certains salons littéraires, serait-il misogyne ? Non nous ne le croyons pas, car en nous faisant le portrait de ces femmes dites « savantes », attichées de beau langage, de philosophie et de science, il met le doigt sur les artifices de la comédie humaine. Les cuistres, les beaux parleurs, ceux qui font la mode et qui se mettent en scène afin de forger l'opinion publique tiennent le pouvoir sur les familles, les clans et in fine agissent sur le comportement individuel, de façon insidieuse mais toujours réelle.

Si dans la pièce, il s'agit d'un chassé-croisé concernant deux mariages contrariés, ainsi que de la rivalité pour ne pas dire de l'affrontement entre un père et une mère à propos du mariage de deux de leurs enfants, Molière, ici, dépasse le thème du mariage forcé pour aborder plus largement et par un détour de sémantique, celui du pouvoir, de tous les pouvoirs : celui de l'époux sur son épouse, qui était la règle à l'époque, mais aussi de celle-ci sur son mari, ainsi que sur sa « maison », ses filles et ses futur gendres. La faiblesse de l'un révèle la force immobile de l'autre, force imbécile nourrie par l'entêtement et l'arbitraire.

La pièce est résolument moderne et prémonitoire de ce que nos sociétés modernes vivent aujourd'hui. Antagonisme et autonomie de chacun dans le couple, sentiments contrariés chez les plus jeunes face à la lourdeur des coutumes, liberté d'aimer revendiquée haut et fort, révolte et soumission à la fois sont les caractéristiques essentielles qui donnent à ces Femmes Savantes une coloration post-moderne d'une actualité évidente.

N'oublions pas pour conclure, de la parfaite maîtrise de la mise en scène, à la fois dynamique tout en restant classique, dans un décor dépouillé, et de la finesse d'interprétation cultivée par chaque personnage. En particulier Trissotin en la présence de Arnaud Denis, fait merveille. Quant à Philaminte, interprété par Jean-Laurent Cochet, c'est un régal.

Non, Molière n'est pas un auteur poussiéreux. La société qu'il observe est notre propre société.

Les « Femmes Savantes » vous feront passer une bonne soirée, à ne manquer sous aucun prétexte.

R.R.

Théâtre 14 : 20 avenue Marc Sangnier - 75014 - métro : Porte de Vanves - Bus 58 et 95 - tramway : station Didot.

Séances du 8 septembre au 24 octobre - réservations: Tél : 01 45 45 49 77 -

14 mars 2008

George Dandin au théâtre de Montrouge

Molière sous châpiteau...Dans une mise en scène de Marcel Maréchal et une production des Tréteaux de France/ Marcel Maréchal, la pièce de Molière est revisitée dans une mise en scène modernisée : une plage, une cabine de bain des années trente, des garçons et des filles en maillot de bain. Angélique, fille d'une famille noble et ruinée, a été forcée d'épouser une paysan riche : George Dandin. Obligée d'obéir à ses parents, elle se révolte corps et âme contre l'oppresion faite ainsi aux filles...

La plume de Molière, une langue simple et drue, éblouissante de vivacité et d'ironie ! 

 Les jeudi 20 et vendredi 21 mars à 20h. Informations : 01 46 12 75 70 - Réservations : 01 46 12 74 59

02 février 2007

Georges Dandin - Un anti-héros

medium_8951.JPGEntre la comédie satyrique, le drame d'amour et la farce populaire, la pièce de Molière, replacée dans un cadre contemporain des années 30, offre à la réflexion deux thèmes principaux qui s'appliquent à notre époque, avec une étrange acuité.  

Tout d'abord, la notion "d'ascenseur social" – tarte à la crème de nos contemporains - où chacun espère s'attribuer les avantages supposés des gens qui ont "réussi", en singeant leurs attitudes, leurs mœurs,  leur soif de pouvoir, et leur besoin de paraître.   Georges Dandin est de ceux-là. Il est devenu "noble" par défaut où mieux par son argent qui lui a permis d'accéder au mariage avec une jeune fille d'une famille noble mais ruinée… Mésalliance évidente qui lui fera regretter ce mariage, très vite. Il n'est pas un  seul instant où les beaux-parents ne lui feront remarquer avec mépris et condescendance sa situation inférieure de parvenu qui n'a pas sa place dans la "noblesse" des gens d'en haut… Ce thème est toujours à l'ordre du jour.  

Second thème important : la soumission à l'époque, des filles à leurs parents et des femmes à leur mari.  En filigrane, l'oppression s'exerce à travers une société où les tabous éducatifs ont force de loi. Angélique, femme de Dandin clame et revendique à qui veut l'entendre, sa "liberté de connaître le monde", son besoin de s'émanciper du poids de la tradition qui veut qu'un mari ait tout pouvoir sur sa femme. Pouvoir pérennisant sous une autre forme la toute puissance éducative et morale des parents sur leur enfant, et ceci par le biais d'une chaîne de soumissions qui se renouvelle à chaque génération… Angélique par sa révolte encore hésitante et balbutiante, chante un hymne à la liberté d'exister, à la revendication d'être un "sujet" et non plus un "objet". Nous sommes là aux frontières d'une revendication qui n'apparaîtra au grand jour que dans les années 1970, soit trois siècles plus tard !  

Ainsi, Molière, par sa comédie-farce, où le grotesque est omniprésente parmi les personnage, nous est très contemporain. Cette pièce aurait pu être écrite aujourd'hui, parce qu'elle pose le problème des relations entre les différentes classes de la société, et celui  concernant la liberté des femmes, sujet de leur émancipation progressive et semble-t-il irréversible.  

Molière révolutionnaire ? Peut-être. En tout cas, très proche des préoccupations de nos contemporains. Félicitons Marcel Maréchal qui a su dans une mise en scène résolument moderne et originale – l'action se passe en 1930 au bord de la mer – mettre en avant le désespoir de G. Dandin. Molière amène celui-ci vers la "sortie", en l'invitant à "se jeter dans l'eau, la tête la première".  Ce qu'il fait ! Un clin d'œil vers ceux qui ne verraient la solution que dans une fuite en avant désespérée.

Spectacle jubilatoire, à déguster sans réserve, d'autant que la troupe des Tréteaux de France est parfaite, chacun donnant à son rôle la juste mesure de son talent.

Raymond Rillot 

Théâtre 14 : 20, avenue Marc Sangnier – 75 014 – jusqu'au 3 mars 2007. Loc. 01 45 45 49 77