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07 mai 2011

Une rue, un poète

Le promeneur, amoureux de découvrir l’originalité des rues de son quartier, est parfois contraint de constater que celles-ci n’offrent aucun intérêt apparent, aucun relief qui puisse nourrir  sa soif de curiosité.

Nulle façade ne semble porter la marque d’une originalité architecturale quelconque. On dirait que les architectes se sont donné le mot afin que leurs œuvres soient le plus possible passe-partout, la banalité tenant lieu de laisser-passer universel. A première vue, il ne se passe rien ici. Une sorte de fatigue, accompagnée de mollesse et d’abandon s’échappe par les fenêtres. L’œil est invité à ne pas s’attarder sur cet ennui qui perce à travers les façades, et qui inonde les trottoirs de la poussière grise des heures perdues. L’esprit souffre alors d’une sorte de raréfaction de l’air, d’une absence d’atmosphère où la beauté absente ne serait réservée qu’aux avenues prestigieuses des beaux quartiers, ceux qui ignorent avec condescendance les quartiers populaires.

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Alors, la mélancolie est ici maîtresse des lieux, la tristesse l’accompagne de sa petite musique trop lointaine pour être reconnue. Les dissonances de ton attendent le promeneur à chaque porche d’immeuble. On est stoppé net sur le seuil de l’allégresse, de la fantaisie, du simple bonheur d’être.

Il en va ainsi de la rue Paul Fort, ou plutôt de l’ancienne rue de Montsouris, qui rappelait autrefois que les environs marqués de quelques moulins, étaient habitués aux sarabandes de nombreuses et actives souris.

Si Paul Fort, en tant que poète est évoqué ici, c’est qu’il fut bien présent dans le XIVe, puisqu’il habita au 18, de la rue Boissonnade en 1898, ainsi qu’au 6, de la rue Sophie Germain en 1902. On sait que ce poète fut prolifique et même un peu trop, compte tenue de l’aisance et de l’abondance de ses textes. Poète léger sans doute, un peu facile, diront certains, quant à la formulation de sa prosodie, il n’en reste pas moins qu’il se rattache à deux aînés importants : François Villon et Paul Verlaine. Il avait d’ailleurs l’habitude d’affirmer : « il faut être de toutes les écoles avec conviction… il ne faut être d’aucune »… Il affirmait encore : «  qu’il fallait se laisser aller aux charmes du beau hasard »… Sur son lit de mort, il laissera tomber cette formule pleine de charme et d’humour : «  Je suis au tombeau. Le rossignol chante »… En 1912, un critique, Michel Décaudin affirmait : « il est la commune mesure de la poésie contemporaine »…  Apollinaire et André Salmon apprécieront sa fantaisie. Alfred Jarry, Léon-Paul Fargue, Pierre Louys et Francis Jammes seront ses amis.

Ainsi, peut-on vraiment prétendre qu’il ne se passe jamais rien rue Paul Fort ? En vérité, l’ombre silencieuse du poète circule incognito sur les façades, caresse les corniches, glisse  sur les croisées des fenêtres, grimpe jusqu’aux combles, éclairant le ciel de la poussière des mots répandus.. «  par dessus les toits ». Alors, la vie redevient joyeuse car «  le poète a toujours raison » … Le poète et  ses poèmes, c’est un peu comme vont les nuages, toujours en voyage, toujours à la recherche d’une indicible utopie à vivre, qui pénètre nos rêves, ouvre les portes des jardins secrets de l’âme. Tous deux éclairent les chemins de nos existences, lorsque la nuit se fait trop dense, et que l’espérance tarde à venir… A ce titre, la rue Paul Fort, modeste dans sa configuration, apporte-t-elle à notre sensibilité une musique, dont la douce mélodie est teintée d’une mélancolie dense, retenue, musique au charme secret, que le promeneur patient ne cessera de découvrir.   R.R

Lire aussi l'article que La Voix a consacré à Paul Fort lui-même et à sa rue, il y a deux ans.

23 mars 2009

La rue Paul Fort

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Elle n’a rien d’original, cette rue. Deux cent mètres bordés d’immeubles sans caractère. Une impression de solitude, d’abandon presque. Tout en haut, elle fait un coude qui débouche sur une ligne de crête formée par la rue de la Tombe Issoire et la pente versante de la vallée de la Bièvre, qu’empreinte l’avenue Reille. Et pourtant , le fait de porter un nom reconnu de la poésie, lui donne presque le sourire, un côté aimable, une juvénile gaîté que n’aurait pas refusé notre poète.

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Paul Fort avec Georges Brassens

Paul Fort ? Qui connaît ou se rappelle de ce poète ? Il fut pourtant très prolifique en son temps, fin 19e, début 20e siècle. Qui parle encore de ces « Ballades françaises » parus en 1897 ? L’aisance de son écriture, la prolixité de ses écrits, l’expression quotidienne de l’existence, les sujets éternels que sont l’amour, la mort, la fraternité, le bonheur simple, le rattachent spirituellement à François Villon, Verlaine, Apollinaire. Il fut le compagnon de Jarry, de L.P. Fargue et Francis Jammes.

Sa poétique se résume en une phrase : « il faut être de toutes les écoles avec conviction. Autrement dit, il ne faut être d’aucune ». Bel éloge à la liberté , à la rupture avec les formes académiques de la prosodie classique. Dès 1894, il inaugure le « vers libre », et en 1896/97, une forme nouvelle appelée prose poétique… « Un style pouvant passer au gré de son émotion, de la prose au vers, et du vers à la prose ; la prose rythmée formant la transition. Ainsi la prose rythmée et le vers libre ne deviennent qu’un instrument gradué… » C’est ce que Charles Morice appela : « le langage total ».

Au soir de sa vie, Paul Fort écrivait :

« L’amour aura le dernier mot
Quant à la mort, qu’importe :
Je suis au tombeau. Le rossignol chante »…

Un testament universel dont chacun est un peu le destinataire !

R.Rillot