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14 août 2010

Le visage de nos rues,

Affairé par ses préoccupations ou le trafic anarchique de la circulation, le passant, le flâneur ont-ils encore le loisir de découvrir le vrai visage de nos rues ? Nos rues, n'est-ce pas l'âme de la ville qui se révèle à travers un autre univers  pressenti et toujours ressuscité, en dépit des mutations inévitables survenues au cours des siècles ?

Ainsi, les rues et les immeubles qui les bordent, les commerces et leurs vitrines, tout ce qui représente le décor urbain, cette scène d'un théâtre, où la ville révélant  ses coulisses, laisse filtrer parfois des trésors oubliés ou perdus, seraient-ils si anonymes, sans couleurs, sans atmosphère ?

Nos quartiers du 14è sont encore les survivants fragiles de lointains faubourgs. Ils portent témoignage de lieux-dits disparus aujourd'hui, ainsi : rue des Plantes, impasse du Rouet, rue du Moulin vert, passage de la Tour de Vanves, rue de la Tombe Issoire, la Voie verte ( rue du Père Corentin), rue du Moulin de la Vierge, la barrière d'Enfer...

Brimborions que tout cela ! Sans doute. Mais ce qu'on ne voit plus ou mal est toujours un trésor caché qui reste toujours à re...découvrir !

R.R

 

11 août 2010

La plus grande nécropole du monde

«  Au delà de ces bornes ils reposent en attendant la vie bienheureuse » est-il écrit en latin à l'entrée des catacombes de Paris, où se trouvent les restes de plus de 6 millions de Parisiens.

Il y a beaucoup de différence entre les Catacombes de Paris et de Rome. Ces dernières étaient selon l'expression de Jean-Paul II de « véritables lieux de repos communautaires, où tous les frères chrétiens, indépendamment de leur rang et de leur profession, reposaient dans l'attente de la résurrection».

Celles de Paris sont dues à la surexploitation des carrières de pierre et au surpeuplement des cimetières parisiens. Longues de 250 km, sous 9 arrondissements, à 35 m de profondeur, elles constituent un véritable labyrinthe. D'abord à ciel ouvert sous les Romains, les exploitations sont devenues souterraines. Pendant des siècles les carriers vont vider Paris de son sous-sol, en ne respectant aucune réglementation. Le premier accident grave s'est produit en 1774, rue d'Enfer, où 14 maisons sont englouties, selon le processus des cloches de Fontis : le plafond d'une galerie s'effondre, constituant une « cloche » » qui remonte par éboulements successifs comme une bulle qui atteint la surface. L'Inspection des Carrières est alors créée par le Roi et va réaliser un gigantesque travail. Elle cartographie tous les vides et consolide le sol sous les voies publiques.

En 1780, le Lieutenant Général de Police Lenoir propose d'y enfouir les ossements qui encombraient les cimetières de Paris, dans un but d'hygiène publique. On a commencé par le Cimetière des Innocents. C'était un véritable charnier. De longues files de chariots funéraires étaient vidées dans les anciens puits d'accès. On supprima d'autres cimetières. C'est ainsi qu'on ne sait pas où sont les dépouilles de La Fontaine, Molière, ou Robespierre, Marat et bien d'autres, sinon dans les catacombes.

Beaucoup de légendes sont attachées à ces lieux. Au 12ème siècle des malfrats s'installent sous le jardin du Luxembourg où se dressait l'hôtel de Vauvert. Pour la population, le diable habitait là, d'où l'expression du « diable vauvert ».

Des évènements dramatiques s'y déroulent aussi. En 1871, les violents combats de la Commune forcent les fédérés à se réfugier dans les catacombes où les Versaillais  pénétrèrent par la barrière d'Enfer. Ils furent tous tués sur place ou faits prisonniers. Plus tard, les Catacombes ont servi à la construction d'abris, ou de bunkers par les Allemands ou utilisés par la Résistance (Rol-Tanguy à Denfert-Rochereau).

Depuis les années 60, les Catacombes sont fréquentées par une population très diverse. Des fêtes illégales y sont organisées. Le nombre de « visiteurs » a diminué, en raison de la lutte entre l'Inspection des Carrières murant des entrées et les cataphiles en rouvrant à quelques mètres. Le quartier Daguerre reste une zone d'accès privilégié.

A C.

 

10 août 2010

Les Atlantes

medium_atalantes-page6.2.jpgLe passant distrait qui ne lève jamais la tête, ne pense pas un seul instant à la position inconfortable des deux Atlantes du 20bis de la rue d'Alésia. Ceux-là ne bronchent, ne faiblissent ni ne murmurent. Seuls, les habitants des étages leurs sont reconnaissants, car sans eux, ils ne retrouveraient peut-être pas leur logis. Mais écoutons les confidences de ces mystérieux Atlantes.

"Nos épaules sont lasses, nos muscles meurtris, nos vertèbres écrasées, nos os brisés et nos cervelles asphyxiées. Nous sommes des esclaves. Parfois, il nous vient à l'esprit de tout laisser tomber... mais que diraient les propriétaires ? Alors nous continuons silencieux à contenir notre souffrance au cœur de la pierre. Passants, n'entendez-vous pas nos cris? Soyez compatissants, faites-nous un petit sourire en passant."

Ce que je fis immédiatement, et ils m'en remercièrent par un clin d'œil !

R. R

28 juillet 2010

L'oasis d'une villa

 

 

Lieu minéral par excellence, la ville laisse survivre parfois, par oubli ou par simple générosité sans doute, des espaces  incertains, qui semblent appartenir à une époque effacée, à un autrefois qui continuerait de repousser avec une patiente obstination, le béton gris d'un urbanisme moderne, si désespérément affligé de médiocrité.

Ainsi, la Villa Deshayes. Ici, le vocable irradie une sorte de musique bucolique, quasi aérienne. Elle offre au flâneur le souvenir d'une mélodie surannée, si tant est que le promeneur égaré puisse se laisser apprivoiser par le silence et la grâce , jointes à une sérénité toute provinciale. De petits immeubles sans prétention, quelques villas, des jardinets pour marionnettes d'où s'échappent une glycine, quelques lilas, des touffes élancées de bambous, et tout au fond de l'impasse, un grand arbre - je crois qu'il s'agit d'un sapin nordique - confèrent à ce lieu l'atmosphère d'une thébaïde reculée, où seul un ermite inspiré offrirait le goût de la méditation au promeneur égaré ; celui-ci, soumis à l'éveil et à la floraison du silence, de son propre silence intérieur, poursuivrait son chemin, soudain illuminé par une joie intime, assistant ainsi à sa propre renaissance.

L'apaisement ressenti convie chacun, à espérer que le rêve ne s'effacera pas au contact de l'écho turbulent de la rue Didot, toute proche. A cet instant, vous retenez votre souffle. L'éternité n'est pas loin de vous submerger.

R.R

 

27 juillet 2010

Richard Wallace (1818 - 1890)

 

Le Fontainier de Paris

Chaque Parisien connaît les « Fontaine Wallace, ornant nos places et offrant au promeneur assoiffé la possibilité de se rafraîchir sans débourser un Euro !

Mais qui était R. Wallace ? D'origine anglaise, il était le fils naturel de Lord Seymour-Conway, marquis de Hetford. Son père, lui donne le goût des œuvres d'art, des faïences anciennes, des bibelots et des objets divers, allant du Moyen Age au XIXème siècle.

Richard parcourt ainsi l'Europe entière pour assouvir son goût de chineur averti et enrichit ainsi la collection Wallace. 1848 le voit de retour en Angleterre, puis le voici à Boulogne-sur-mer provisoirement, avant de rentrer à Paris.

Les événements de 1830, 1848, et surtout la guerre de 1870 lui firent comprendre que la collection Hetford et la sienne ne pouvaient être à l'abri qu'en Angleterre. C'est ainsi qu'il fit construire à Londres une demeure qui rassemble aujourd'hui la plus grande collection privée, la plus homogène en matière de mobilier et tableaux, allant du Moyen Age au XIXème siècle.

Mais les fontaines ? Pendant la guerre de 70, il est à Paris. Par pur souci de générosité, il ouvre plusieurs hôpitaux provisoires, pour les malades et les blessés de Sa Majesté Britannique. Il offre également des « bons de soupe et de nourriture » aux Parisiens affamés. Les journaux de l'époque l'appellent «  le bienfaiteur de Paris ».

Durant la période de guerre et de « la Commune », l'état d'hygiène des Parisiens était dans un extrême délabrement. De plus, l'alcoolisme régnait chez le petit peuple et jusqu'aux plus jeunes. Wallace prit conscience qu'il fallait faire quelque chose en déposant auprès de la Préfecture, une demande d'autorisation pour créer des fontaines d'eau potable, car à cette époque seule la confrérie des porteurs d'eau était habilitée à distribuer de l'eau à Paris.

Ainsi, la première fontaine fut inaugurée en septembre 1872. L'idée était d'en disposer deux dans chaque arrondissement de la Capitale. Le modèle fut créé par Charles Le Bourg, sculpteur. 50 fontaines purent être mises ainsi en service dès 1872. Aujourd'hui Paris en compte 88. A l'origine, un gobelet de fer étamé, retenu par une chaînette était immergé dans une vasque. En 1952, ce gobelet fut supprimé par mesure d'hygiène. Quant aux cariatides soutenant le dôme duquel coule un mince filet d'eau, elles symbolisent quatre vertus : la Simplicité, la Sobriété, la Bonté, la Charité... Tout un programme !

Maintenant, vous savez tout ou presque sur les fontaines Wallace, qui ornent si joliment nos avenues et nos places. Sachez que le 14e arrondissement en compte sept,  raison de plus pour les découvrir au fil du hasard  ou de vos flânerie urbaines. Bonne promenade !

R.R - ( Documentation extraite de la Revue d'Histoire du 14e . N° 52/53.)

 

 

26 juillet 2010

(XIX) les Voies de traverse

 

Villa Virginie, un lierre grimpe jusqu'au bout du ciel.

Alpiniste sans complexe,

Collé à la paroi lisse de l'immeuble,

La lente patience l'a récompensé.

Je le regarde, il domine du sixième étage

La Villa Virginie et  ses pavés descellés.

 

Ebouriffé de prestige, impérial d'orgueil,

Il contourne avec précaution et lenteur

Les paupières entr'ouvertes des fenêtres,

Accrochant ses griffes touffues

Sur les plis profonds de la pierre.

 

Tissant sa toile d'ombre et de géant

Guettant le souffle court du dormeur,

Il s'est élevé jusqu'au toit de l'étoile.

Le ciel médite sur le prédateur,

Araignée vive aux racines de mort.

 

La Villa Virginie est sa dernière demeure.

R.R

 

12 mai 2010

Quelques idées de promenades dans le 14ème

Jeudi 13 mai, de 8h à 18h  : Vide-greniers sur la place Maurice Noguès.

M° et T3 Porte de Vanves. Renseignements et réservation : 06 64 66 29 56. www.brocaparis.com

Samedi 15 mai, 10h30 : visite de la Maison du Fontainier

Les parcours conférence sur l'eau organisés par la société Eau de Paris et ses partenaires vous font découvrir la Maison du Fontainier. En visitant les sous-sols de l'un des principaux témoins de l'Aqueduc dit « de Marie de Médicis », pivot de l'alimentation en eau de la Ville de Paris entre le XVIIe et le XIXe siècle, découvrez, des Romains à nos jours, les grandes périodes de l'histoire de l'eau à Paris. Inscriptions au 01 42 24 54 02 ou par courriel pavillondeleau@eaudeparis.fr. Tarifs : 7 € / 5 € / gratuit pour les moins de 12 ans.

Samedi 15 mai, 14h30 à 22h  : Du côté du Moulin à café, sur le thème du commerce équitable

Rencontre toute la journée avec des producteurs de café du Chiapas, jeux, films, contes,  repas... de la musique et de la poésie (avec Kaledoïk Connexion et Jean Tadié), et bien sûr de la nourriture équitable.

Place de la Garenne. Pernety.

Dimanche 16 mai, 10h à 12h : Eki'mode,  tour du monde de la mode équitable, rue Daguerre

Défilé de mode avec les stylistes d'Ignacio Mejia (Mexique), de Kolam (Inde), et de Salamata Kiemtoré (Burkina Faso). Rue Daguerre.

10 mai 2010

(XVIII) Les voies de traverse

( XVIII) Les voies de traverse

Il est un passage ainsi nommé comme étant celui des Arts. Mais est-il encore un passage ? La direction n'est pas donnée. A l'évidence, le but ne sera jamais atteint. Car, qui dit passage, dit relation entre deux points : un départ, une arrivée. Ici, la vue est si restreinte, si  étroite, que le ciel se fait sentier, l'air et la lumière n'ont d'autre solution pour survivre et s'imposer, que de sauter par dessus les toits. A Paris, les toits ont toujours su sauver la lumière, car le ciel qu'ils reflètent, s'enflamme à la première averse de pluie. Mais le passage des Arts semble n'avoir jamais connu cette liberté d'aller et venir entre les reflets des nuages sur quelques flaques d'eau disposées là pour capter les sourires changeants du ciel.

Ainsi, le passage cultive son énigme personnelle, une sorte de mystère jalousement gardé. Et si d'aventure un artiste venait à passer ici, l'écho de ses pas ne lui renverrait peut-être que l'image d'un passé révolu ou celle d'une guinguette de faubourg. Quelques rapins en goguette croqueraient la servante enjouée ou la maîtresse des lieux, habiles toutes deux à vivifier l'esprit, les cœurs et les corps...

Heureux le temps où le faubourg cultivait la gaîté simple et bon enfant  pour quelques sous oubliés sur la table d'un cabaret enfumé. La saveur aigre-douce  d'une piquette acidulée faisait l'affaire.

Ainsi, le passage des Arts n'est pas prêt d'oublier les heures chaudes du Montparnasse tout proche, où dans la nuit de l'été , les couples dansaient dans un tourbillon d'étoiles enguirlandées de rires et de baisers volés. Le chahut prenait alors la couleur criarde de la liberté, la liberté de vivre à sa guise selon les couleurs du printemps et de l'automne réunies.

R.R

04 mai 2010

(XVI) Les Voies de traverse

Ouest-Ceinture était une petite gare

Où les vents d'ouest et d'ailleurs

S'arrêtaient quelques instants

Pour décharger sur les quais déserts

Leurs effluves d'algues et de varech.

Aujourd'hui, les vents d'ouest

Débarquent du TGV, à Montparnasse

En faisant du 300 à l'heure.

***

Délicieuse est la petite place Jules Hénaffe

Où souvent les joueurs de boule

Se rassemblent en congrès.

Certains afin de gagner un point de bonheur

Préfèrent rêvasser le long des réservoirs de la Vanne

A une rivière qui coulerait de la Lune.

***

Rue Maison Dieu ?

Mais où loge le céleste locataire de ce lieu ?

Aucun indice ne  permet de situer

Le domicile  du Créateur.

Sa maison ne s'inscrit pas dans la pesanteur du jour

Quelque part sans doute entre le néant et l'infini.

R.R

24 avril 2010

(XV) les Voies de traverse

Villa d'Alésia

Il y avait là         autrefois         un patronage

Où tous  les enfants du quartier

Savaient qu'ils y trouveraient

L'asile bienfaiteur d'un cœur chaleureux

Le bienveillant sourire de « l'abbé »

La paix réparatrice d'un lieu

Où l'autre était un frère

Et ce frère un autre toi-même.

***

A l'octroi de la Porte de Vanves

Le gabelou Rousseau

Hante encore les talus du chemin de fer de l'Ouest.

Quelques arbustes et herbes folles

Ignorant la luxuriance des forêts tropicales

Paradent dans les plis d'une maigreur d'ermite.

Ici        un chat peut prétendre faire la course

Avec un guépard imaginaire

Il sera toujours prisonnier de l'une de ces toiles

Que le maître a peinte avec le pinceau enflammé de l'imaginaire.

R.R

17 avril 2010

(XIV) les voies de traverse

Qui prétendra que le passage Tenaille

N'a d'autre fonction que de relier

L'Avenue du Maine à la rue Gassendi ?

L'atmosphère de solitude qui y circule

Incite le flâneur à penser

Que le trait d'union que ce passage propose,

Ne fait qu'accentuer la tristesse qui s'en dégage,

En dépit de la couverture légère de feuillages

Qu'apportent  les maigres tilleuls bien alignés en ce lieu.

Celui-ci n'offre pour tout partage que le désert de  sa nudité.

**

Ah ! la place Flora Tristan !

Un îlot     une île      un rocher

Un parfum de village oublié

Trois platanes et le tour est joué

Deux bistrots     une laverie

Et le peuple ici retrouve

La poésie du faubourg

Celle du jour qui se lève

Le poème unique d'un bonheur mélancolique

Quand à l'ouest      le soir       le soleil tire sa longue révérence.

R.R

20 mars 2010

(XIII) les Voies de traverse

Deux aqueducs aux tracés anciens

Forment deux traits parallèles au pied du pont du chemin de fer de Sceaux.

Ici, les rues de la Sibelle, de l'empereur Julien et Valentinien

Font résonner les musiques oubliées de l'Antiquité.

Ce quartier est tout neuf, austère, limpide, et la lumière y est reine.

Le passé lointain y survit encore par ses racines,

A la façon d'une ruine

Qui annoncerait la mémoire vivante d'une antique cité.

L'eau ne coule plus au sein de ces aqueducs délaissés

Car  le courant interrompu a scellé la mémoire têtue

Et rustique de quelques pierres solitaires et abandonnées.

**

Au pied de la gare Montparnasse, la rue du Commandant Mouchotte

Montre du doigt la place de Catalogne,

Cernée par le demi-cercle des immeubles de Ricardo Bofill.

Les parfums venus du Sud  se mêlent aux vents d'ouest

Que le remugle des TGV charrie à perdre haleine.

Au centre de la place, une fontaine, face contre ciel,

Capte les nuages et les fait s'enlacer avec langueur

Sur le filet tendu par les fées invisibles de la Tour Eiffel.

R.R

13 mars 2010

(XII) les voies de traverse

Le grand cimetière du sud, le long de la rue Froidevaux, laisse filer des     musiques anciennes, dont la mélodie sourde réveilles des  nostalgies enfouies.

Quand, venant du boulevard Raspail, je regagnais par le rue Emile Richard, le logis de mes parents, c'était toujours le soir, à la nuit venue, que la voix des morts, venant de l'au-delà du mur, rythmaient la cadence de mes pas.

Alors, seulement, je me sentais bien en vie...

***

La rue Daguerre est une ligne droite, légèrement creusée en son milieu. Au loin, on aperçoit l'avenue du Maine ,barrant le ciel d'un trait charbonneux..

Et l' on peut imaginer que prospéraient ici les pépinières, les jardins de      quelques maraîchers, installés là depuis que la campagne s'arrêtait devant le mur des Fermiers Généraux.

Aujourd'hui, une ancienne auberge ,la Bêlière possède son piano bar. On y rencontre des artistes, on y fait de la musique. La Bêlière a bien failli mourir. Sauvée ?

On trouve aussi, rue Daguerre, un marchand d'accordéons. Il les répare, et vous propose des cours de musique et de solfège.  Mais où sont les bals populaires d'antan ?

Aucune jardinière, aucune fleur au balcon, ne remplaceront les printemps d'autrefois, où chantait l'alouette des champs,  où des mains attentives forçaient le lilas, où la glycine ornait les portails, où le temps avait la couleur des aurores, lorsque la nuit  écrivait sa petite musique pour accompagner une chanson...

***

Rue de la Santé, c'est l'hôpital Saint Anne, cerné de murs et de cris étouffés. La souffrance se reconnaît ici  par les jardins semés de pavillon tristes, disséminés dans la nuit du silence. Le mal être et le délire sont parcourus par les brumes du soir et les cendres oubliées d'un antique mouroir.

R.R

25 février 2010

(XI) Les voies de traverse

Place Denfert-Rochereau, au beau milieu du pavé luisant

Rugit un lion, fort, beau et grand, fier, solennel et puissant .

Il a une manière unique d'ordonner, de commander sans appel

Au passant, l'impérative direction - privilège de son empire - :

- Si tu veux aller à la Porte d'Orléans

Regarde-moi bien dans les yeux, et si tes pieds un peu lourds,

Sont à ce point abîmés, n'hésite pas, grimpe à  l'instant

Dans un omnibus de la R.A.T.P ! Tu seras vite requinqué !

**

La gare du chemin de fer de Sceaux

Est ce lieu charmant et un peu désuet

Qui pourrait  être un jouet

Pour l'enfant espiègle et rieur

A qui ses parents offriraient, à la place du moderne R.E.R ,

Quelques wagons en bois, tirés par une locomotive à vapeur.

**

Grande est la perspective du boulevard Saint Jacques

Aux belles harmonies classiques

Qu'approuverait un lointain Le Nôtre.

Soudain, débouchant de ses flancs

Surgit, conquérant sur les rails luisants

Le métro aérien, dont l'élan

Retenu par de vigoureux piliers d'acier

Trace sur la vallée de la Bièvre

D'électriques éclairs ; il se sent pousser des ailes

Jusqu'à vouloir se faire la belle.

A la station Saint Jacques, une oiselle gentille

N'en éprouve aucune gêne,

Car la demoiselle, griffant le ciel du bout de ses plumes,

D'une danse véloce et légère,

Honore ainsi par sa voltige aérienne

La jeunesse éternelle du métropolitain,

Jeune homme âgé de plus de cent printemps...

Oui, cela est déjà fort lointain !

On dira plus tard que le métro et l'oiselle

S'étaient rencontrés pour fêter les noces du ciel,

De la plume et d'un chemin de fer aérien

Qui aura toujours le nez en l'air

Et la tête dans les étoiles !

R.R

24 février 2010

la rue Daguerre

rue daguerre 1a.jpg

La rue Daguerre est une ligne droite, légèrement affaissée en son milieu. Au  loin, on aperçoit l'avenue du Maine, barrant le ciel d'un trait charbonneux.

Et l' on peut imaginer que prospéraient ici les pépinières, les jardins de quelques maraîchers, installés là depuis que la campagne s'arrêtait devant le mur des Fermiers Généraux.

Aujourd'hui, une ancienne auberge, la Bêlière, possède son piano bar. On y rencontre des artistes, on y fait de la musique. La Bêlière a bien failli mourir. Sauvée ?

rue daguerre 1b.jpg

On trouve aussi, rue Daguerre, un marchand d'accordéons. Il les répare, et vous propose des cours de musique et de solfège.  Mais où sont les bals populaires d'antan ?

Aucune jardinière, aucune fleur au balcon, ne remplaceront les printemps d'autrefois, où chantait ici, l'alouette des champs,  où des mains attentives forçaient le lilas, où la glycine ornait les portails, où le temps avait la couleur des aurores, lorsque la nuit  écrivait sa petite musique pour accompagner une chanson...

R.R

30 janvier 2010

( X) les Voies de traverse

paris-avenue-rene-coty.JPG

Quelle généreuse République !

Une grande avenue pour un seul président... Ainsi, M. Coty fut de la sorte choisi. Il nous conduit sous une voûte de platanes, vers un grand parc bien vert, où toutes les souris trottent, trottent en prenant leurs quartiers d'hiver. Le Parc Montsouris ? Une île mystérieuse, où tous les oiseaux du monde font escale, où la campagne est à l'affût de Paris.

La rue du Saint Gothard doucement monte et puis descend comme un sentier de montagne. Ici, les pavés brillent comme des glaciers. La neige s'illumine d'étoiles de givre. Les nuages déplient leurs oriflammes. Et je vois sur le talus, le R.E.R. passer d'un air nonchalant, quand le soleil se glisse dans un lit de fleurs, au couchant.

Rue Saint Yves, il est une maisonnette qui offre ses pampres et ses vieilles tuiles au regard du flâneur montant la pente. Les volets sont fermés depuis longtemps et le crépis des murs est défraîchi. Autrefois, il y avait là un café, un marchand de bois et charbons, un bougnat. Aujourd'hui, il n'y a plus rien à emporter, ni vins, ni limonade, et tout le bois a brûlé. Jadis, la rue chantait un air d'hirondelle, et l'enfant distrait, regardait passer par dessus les toits, l'ombre que faisaient le merle moqueur et le moineau rieur.

R.R

13 janvier 2010

(IX) Les chemins de traverse

C'est une rue où les façades sont bien mises

Mais quelques vitrines sont un peu grises.

Voyez cet enfant qui joue dans la cour

Le temps ralentit et s'arrête rue Liancourt.

*

Oui, la tour de Vanves chante ses souvenirs

Inscrits sur de vieux pavés luisants.

Soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?

Car en ce passage, seuls les murs sont vivants.

*

Il pleut Villa Virginie

Un jour où l'averse amie

Fait reluire la pavé luisant.

Flâneur je suis, et l'heure passant

Glane les gouttes de pluie

Où naît la mélancolie.

*

Il ne reste du château qu'une rue étroite,

Des visages gris et des façades trop droites.

Mais ce lieu était juste une folie, jardin

Et maison ne sont plus, qu'un rêve bien lointain.

R.R

 

08 janvier 2010

(VIII) les Chemins de traverse

La rue d'Enfer ne conduit pas aux Enfers

Seul le colonel Denfert-Rochereau a pu connaître l'enfer

Quant aux Catacombes, elles ouvrent leurs portes en fer

Aux vivants, curieux de visiter du décor      l'envers...

*

La rue de l'Ouest a toujours regardé vers le Ponant

Ici       le soleil couchant est moins brûlant

Que celui venu du Levant

Aussi      à Plaisance      les gens se couchent plus tard

Que les villageois de Ménilmontant.

*

On dit que les gens habitant la rue Hallé

Ont le teint moins clair

Que ceux résidant du côté de la Glacière.

C'est une opinion qui n'engage

Que celui qui ignore les brûlures de la glace

Ou les tourments sournois du désert.

*

Ici    l'étal rutilant du poissonnier

Abonde de maquereaux ensoleillés

L'air  y  transporte des fragrances maraîchères

Le poisson a l'œil frais

La salade est accorte et primesautière

On est au cœur de la rue Daguerre.

 

R.R

 

01 janvier 2010

Promenade dans le jardin Atlantique enneigé avec Marie Belin, décembre 2009

Marie Belin a fait très joli reportage photographique du le jardin Atlantique enneigé à la mi-décembre 2009, je vous invite à la suivre dans sa promenade, ses instantanés sont tout à la fois étonnants et malicieux...

voir l'album

30 décembre 2009

(VII) les Chemins de traverse

Point n'est besoin d'être artiste

Pour parcourir la rue des Artistes

Tous les doigts du ciel dessinent une image

Où chaque jour     des moutons noirs

Des moutons blancs      l'aile d'un oiseau

Un cheval gris   ou le nez de Cléopâtre

Naissent et meurent tout simplement       là-haut

Parmi les nuages

Entre les épaules du soleil

Et la chevelure de la lune.

*

Depuis qu'elles ont élu domicile au Parc Montsouris

Ce n'est pas gentil de se moquer des souris

Car chaque nuit      sous la lune blanche

Elles grignotent des reliefs de pique-nique

Que laissent les promeneurs distraits du dimanche.

*

L'avenue Reille est la mieux gardée de Paris

Car un ancien général veille tout près d'ici.

Une avenue sans soucis

Et c'est Paris qui nous sourit.

*

Au Parc Montsouris

Il fut indiqué pendant un certain temps

Sur la mire du méridien de Paris

Que ce fut Charlemagne qui inaugura ladite mire.

Mensonge ! Cela fut le fait de redoutables farceurs

Iconoclaste incultes et blagueurs

Car c'est sous le règne de Napoléon

Que le nom même de l'Empereur

Y fut gravé pour de bon.

 

R.R

 

15 décembre 2009

(VI) les Chemins de traverse

 

Au temps jadis   elle fut appelée « La rue du pot au lait ».

Aujourd'hui, un certain « Friant », général de son état,

Lui a prêté son nom.

Depuis longtemps le lait a été bu

Et les vaches ne remontent plus la rue

Car elles ont quitté la ferme et les prés qui l'entouraient..

***

Je ne sais si le jardin partagé de la rue de Coulmiers

Fleurira le ciel de roses et de lilas

Mais je sais que la salade et la fraise se portent bien

Et sont ici à leur aise.

Il faut cultiver son jardin avec son cœur

Et en amoureux.

***

Point n'est besoin d'avoir lu les Lettres de mon moulin

Pour parcourir la rue Alphonse Daudet.

Les chèvres n'y broutent plus.

Seule la Bouquinerie Alésia a le nez dehors

Et les livres invendus n'ont pas fini de se plaindre,

Triste sort offert à la littérature toute entière

Dont on entend parfois sous quelque porche complice

La plainte et les pleurs infinis.

 

***

La rue Sarrette est fort longue

Et de beaux tilleuls argentés       fort bien plantée.

Fatigués de notre promenade nous pouvons aller nous asseoir

Sur un banc tout près de là

Et vérifier que le géant Isoré garde le carrefour

Où la rue d'Alésia flirte avec la rue de la Tombe Issoire.


R.R

 

12 décembre 2009

(V) les Chemins de traverse

La Villa Brune est un chemin sans issue où fleurit l'ombre

Où chantent la sérénité et le grave silence de l'éternité.

C'est peut-être là qu'aboutissent et s'évanouissent

Les lentes caravanes des illusions perdues.

***

Les pierres de l'hôpital Notre Dame de Bon Secours

Ont gardé la mémoire de l'abbé Carton.

Elles portent les stigmates de la charité

De l'amour du prochain laissés ici en héritage.

L'abbé se promène-t-il encore

Sous les marronniers du jardin

Où longe-t-il les trottoirs de la rue

Qui accompagne son nom ? Qui sait ?

La solitude... la maladie... la souffrance... l'espoir

Est-ce là le vertige de la condition humaine ?

Ont-ils jamais reconnu en l'abbé

Un apôtre de l'Amour      celui qui guérit..

***

Fuyant la porte de Châtillon vers Malakoff

Les vents d'ouest convient parfois

Les bruines  accourues de Bretagne

Et plus souvent du périphérique    la pollution.

***

C'était il y a bien longtemps

Lorsque Paris était à la campagne

Le chemin des Plantes

Voyait le long de ses berges

Passer des charrettes chargées de foin et de blé.

Aujourd'hui la rue a gardé en souvenir de son passé

La légère courbe bucolique d'un sentier

Qui semble encore bordé d'églantines et de lilas.

Sous les trilles du vent les peupliers frissonnent.

R.R

 

28 novembre 2009

(IV) les Chemins de traverse


Chaque dimanche, sur l'avenue Ernest Reyer, des pigeons énamourés roucoulent.

Au premier coup de vent, ils se dispersent dans un froufrou d'étoffe mêlée.

***

Ah ! que de rosiers, que de lilas

Ont jadis ici et là

Parfumé l'étroite rue de Châtillon

Où l'on croit parfois apercevoir voleter en cet endroit

De légers et imprévisibles papillons

Qui n'ont d'autre ambition  que de fleurir de leurs ailes arc-en-ciel

La nostalgie des jours de pluie

Ou la mélancolie des soirées sans soleil.

***

Flâneur du soir, entendez-vous encore, rue auguste  Caïn

Le long du chemin de fer ceinture,

Le souffle de vieilles locomotives qui, cahin-caha

Tiraient des wagons, chargés d'âmes ou de marchandises.

Nos grands-pères les ont connues

Mais aujourd'hui, en ce nid oublié où la verdure se déploie,

La pluie s'écoule en tombant dru

Sur les traverses de bois nu, qui n'en finissent pas de mourir,

Nous offrant en catimini la petite musique de leur ultime chagrin.

 

R.R



 

23 novembre 2009

Nicolas de Staël, la rue Gauguet...

Si vous êtes flâneur invétéré, alors, allez vous promener du côté de la rue de l'Aude et de la rue des Artistes. Vous découvrirez une rue "oubliée", propice à la rêverie, celle qui conduit là où vous n'avez jamais voulu aller. Vous vous laisserez ainsi porter par le sens de la marche, celle qui offre mille surprises.

ndestael.jpgQue peut-on voir rue Gauguet ? Un peintre ou plutôt l'atelier d'un peintre devenu célèbre, qui à 41 ans en 1955 a préféré quitter ce monde. Il s'agit de Nicolas de Staël.

Simple rue en impasse d'ailleurs. C'est là que Nicolas de Staël a donné toute sa démesure. En effet, l'atelier dont la hauteur de plafond atteignait les 8 mètres, permit au peintre de se "donner" à la peinture, celle-ci sauvage, à la mesure du physique de Nicolas. Délaissant le chevalet, accessoire suranné à ses yeux, il peint à même le sol, faisant exploser littéralement le cadre par trop conventionnel de ses prédécesseurs.

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"Rue gauguet", Nicolas de Sataël, 1949, Museum of Fine Arts de Boston

Mais si la rue Gauguet focalise ainsi l'attention par son aspect un peu démodé d'une rue de province, elle se découvre comme la mémoire revivifiée par le vent invisible de l'Art. Et d'ailleurs, cette rue à travers une toile du peintre, n'a-t-elle pas déjà voyagé en s'expatriant aux Etats-Unis : le Museum of Fine Arts de Boston l'ayant recueillie ?

Mais là, ne s'arrête pas la seule découverte essentielle à notre flânerie. Ce quartier, si proche du parc Montsouris, a vu un autre "initiateur" de Nicolas de Staël : Georges Braque. Celui-ci en a été un des premiers admirateurs et a reconnu de suite la violence, la puissance qui  émanaient des œuvres de Nicolas, le recevant dans sa maison située non loin, face au parc et baptisée rue Georges Braque...

Ainsi, de la rue Gauguet à la rue Georges Braque, un lien secret, une "correspondance" s'établit. C'est un couloir où l'imaginaire du promeneur  peut se nourrir des ombres qui ont fui depuis longtemps, mais qui par la magie de leur écho, sont toujours aussi présentes à notre esprit. Le bruit de nos pas s'inscrit alors dans la longue marche de deux peintres,  qui habitèrent en leur temps notre quartier et dont la renommée est devenue universelle.

R.R

19 novembre 2009

Le jardin Atlantique, sur la gare Montparnasse

Le jardin Atlantique recouvre une surface de trois hectares et demi construits à 18 mètres au dessus des voies ferrées de la gare Montparnasse. Terminé en 1994, conçu par les architectes paysagistes François Brun et Michel Pena, ce jardin est une performance architecturale, en raison des lourdes contraintes qui pesaient sur le projet : création d'un parking de 700 places entre le niveau des voies ferrées et le jardin, nécessité d'une centaine d'ouvertures pour l'éclairage et la ventilation, problèmes de structure, d'ombrage,  etc.

On y pénètre par la Place des Cinq Martyrs du Lycée Buffon (jeunes élèves fusillés par l'occupant en 1943), place ronde conçue par Jean Willerval, pour répondre à la place de Catalogne toute proche, dessinée par l'architecte catalan Ricardo Boffil. On y entre aussi par le square Max Hymans, 25 boulevard du Montparnasse ou par une  entrée au sud de la gare.

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Le jardin est bâti sur plusieurs niveaux autour d'une grande pelouse, épaisse et douce, carrée et d'accès libre. Une sympathique fontaine centrale, où il est agréable l'été de se rafraîchir les pieds, supporte des instruments de mesure de la force et de l'orientation des vents, de la pluviométrie, de la température et de la pression atmosphérique. Cet espace est fermé par les immeubles-barres qui l'isolent des bruits de la ville. Le décor est fait de grands mâts, de ponts promenade, de passerelles, d'espaces de sport et de repos. Il utilise des matériaux nobles comme le bois de Kapur ou le marbre de Macauba. Il est planté de végétaux venant de plusieurs continents, comme le micocoulier de Virginie, celui de Provence étant sûrement trop commun, aux yeux de nos grands jardiniers.

Au fond se trouvent le mémorial du Maréchal Leclerc et le musée Jean Moulin (ouvert tous les jours sauf le lundi, de 10 à 18 heures, entrée 2 à 4 €). Vous y trouverez aussi 4 tennis, bleus comme l'atlantique, ping-pong, et un long solarium en teck.

Alors, s'il fait beau, si votre train ou celui de vos chers petits a du retard, n'hésitez pas, allez vous y installer !

A.C.

22 octobre 2009

(IV) - Les chemins de traverse : Vu du pont

Le parapet du pont, avenue Jean Moulin, est tout entier festonné de mousses et de lichens :  dentelles, que le vent et le soleil on déposé là, au bord du vide, afin que les yeux du passant fixent l'écriture révélant les premiers souffles de la vie.

Ce pont surplombe la voie du chemin de fer de Petite Ceinture. De là, en regardant vers l'est, longeant la rue de Coulmiers, la profonde tranchée en contrebas attire quelques plantes téméraires qui s'accrochent en amateur d'escalade. Ici, la voie ferrée, dans sa plus grande configuration, se présente sous un piteux état. Les traverses de bois malmenées par les assauts de la pluie et du temps, sont devenues peu à peu les vertèbres dénudées d'un animal antédiluvien. Surgit alors, de façon spontanée, l'image d'un squelette, témoin insolite offrant ses blessures en sacrifice, au regard d'un soleil indifférent, qui dans la nudité et l'apparence d'une dépouille abandonnée, reste le seul témoin silencieux du passé.

De l'autre côté du pont, on entend le chant aigu d'un oiseau invisible. Il est là, caché parmi l'effondrement de branches cassées qui pourrissent dans un labyrinthe chaotique d'herbes et d'arbrisseaux enchevêtrés. Instant insolite. L'oiseau partage son empire avec le brouhaha incessant que font les voitures glissant plus haut sur la chaussée. Je me penche par dessus le parapet. J'aperçois la voie. Les rails, se souviennent-ils encore du dernier chuintement d'essieu que des wagons tintinnabulants faisaient ? La rouille a posé d'un doigt protecteur son ultime vernis sur l'acier inerte, figé dans une pose hiératique. Voit-elle, la nuit, s'engouffrer dans la chambre humide du prochain tunnel, le fantôme d'un train sans voyageurs ? Et que dire des ultimes volutes de fumée des locomotives ? Ne déposent-elles pas encore leurs escarbilles sur les quelques fils téléphoniques abandonnés ça et là, dans le fossé tout proche ?

Vers l'ouest, et longeant la rue Auguste Caïn, on voit le long du talus, des arbres foudroyés qui achèvent d'expirer, tandis que le lierre monte à l'assaut des robiniers qui suffoquent dans la crispation d'une mortelle étreinte.

Tiens ! un chat... il attend, il surveille peut-être l'oiseau qui chantait tout à l'heure. Voilà un autre chat. Ils se tiennent à distance. Ensemble, ils jouent le rôle de sentinelle auprès d'une citadelle abandonnée et tiennent sans doute le registre de leurs chasses nocturnes, souris, mulots, oiseaux. Dans leur langage de chats, comparent-ils l'importance de leurs proies à l'aune de leur appétit ?

Vu de ce pont, le chemin de fer de Petite Ceinture est une sorte de cimetière au destin incertain, dont les âmes errantes courraient après le dernier train fantôme, celui qui passe aux stations sans s'arrêter, un train qui poursuivrait son voyage éternel, vers un terminus silencieux et infini, celui du temps...

J'achève ici mon voyage, en prenant garde de ne pas laisser mes bagages sur le quai. Quelque voyageur égaré dans le futur pourrait en disposer et profiter de ma présence invisible pour se souvenir que dans un passé lointain, je suivais la voie d'un chemin de fer devenu aujourd'hui parfaitement imaginaire.

R.R.

21 octobre 2009

(III) Les chemins de traverse : la Tombe Issoire

Toute droite, la rue de la Tombe Issoire a la maigreur sèche des ascètes éblouis. Un corset d'immeubles aux fenêtres étroites étouffe ses velléités d'émancipation juvénile. Souvent, il y fait noir, parfois soleil. Et la nuit, au creux des anfractuosités pierreuses, tous les rêves des étoiles se rencontrent à la recherche d'un nid douillet, propice aux voyages interstellaires.

Au pied d'un mur, fait de pierres sauvages et rudes, on voit une tapisserie de plantes grimpantes et frissonnantes où s'essouffle le vent dans l'air frais du soir. L'on voit aussi des vélos et des autos, jouets abandonnés au hasard du caniveau et attendant leur délivrance. Un jour, un enfant rieur et espiègle leur fera peut-être faire un tour de manège tout autour de la Terre, pour mieux vérifier que la porte de la liberté ne reste pas infranchissable.

Si on lève la tête, on voit dans le ciel des graffitis tracés avec le pinceau blanc des nuages. Ils nous font des signes, des sortes d'entrelacs sculptés, bas-reliefs qui se trouvent déposés sur la tombe fantôme du géant Isoré qui, il y  a longtemps, est passé par là, après avoir succombé à un combat surhumain et inégal. Sur le mur d'une école voisine, son effigie monumentale et disproportionnée défie la pesanteur et l'harmonie du lieu.

Rue de la Tombe Issoire, il y a des chiens qui promènent leurs maîtres, des maîtres qui sont perdus dans les rêves de leur chien,  tandis que  sur la ville, la pluie pleure sa détresse de chien perdu.

Beaucoup plus loin, là où la rue hausse ses épaules, les grands réservoirs de la Vanne retiennent l'eau de Paris, qui fait sa toilette, qui lave ses légumes, qui fait briller ses trottoirs. Ici, l'impur se laisse sombrer au fond de vastes bassins d'eau claire et chantante. Et les grands réservoirs ont l'air de beaux et grands châteaux-fort, qui depuis longtemps défendent du haut de leurs mâchicoulis invisibles, les portes  toujours ouvertes de nos soifs insatiables.

Oui, la rue de la Tombe Issoire est la plus antique, la plus mélancolique que nous a léguée Lutèce. Elle se souvient qu'elle fut bucolique en un temps lointain où ici, le chemin d'Orléans croisait les « Hautes Bornes », sommet à partir duquel le versant orienté en direction de la vallée de la Bièvre, conduisait le regard vers les hauteurs de Ménilmontant, et plus près, vers les îles, au milieu du fleuve qui enfanta notre cité, tandis que la colline de Montmartre nous invitait à visiter le lointain horizon de la Plaine de France.

Chacun de nous est un peu l'héritier de la rue de la Tombe Issoire. Elle retient sur le balcon vieilli de l'Histoire, les pas du flâneur où viennent mourir les vagues hésitantes de notre mémoire soumise aux coulées d'une poussière volatile.

R.R

08 octobre 2009

Cité U - la maison des Etats-Unis

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Cette fondation est construite comme un immeuble, avec ses 275 chambres et son entrée sur le bd Jourdan. L'architecte, Pierre Leprince-Ringuet, à qui l'on doit également la Maison des élèves de l'Ecole Centrale à Paris, les ateliers Michelin à Londres, les musées archéologiques de Beyrouth et plusieurs églises dans le Nord de la France, a mêlé la pierre et la brique afin de briser la monotonie de cette grande bâtisse.

La construction fut décidée en 1925 à l' initiative de Myron T. Herrick, ambassadeur des Etats-Unis à Paris, qui réunit 400 .000 dollars souscrits par M. et Mme Homer Gage des universités américaines, de la Fondation Carnegie, de la Société des Amis de la Légion d'Honneur, du Comité France -Amérique et par des personnalités comme le banquier Morgan.

Elle  fut inaugurée en avril 1930.

A l'intérieur dans le hall, deux fresques aujourd'hui disparues  représentaient Lafayette contemplant l'Amérique nouvelle avec ses tours, et le général Pershing débarquant en France, prononçant les paroles historiques : « Lafayette nous voici  ". D'autres fresques et deux salons d'honneur meublés à l'origine en style Louis XV et Louis XVI donnaient un certain cachet à cette fondation.

S.E.

24 septembre 2009

(II) Les Chemins de traverse

Que penserait Antoine Chantin, le jardinier,

S'il voyait les immeubles bourgeois de sa rue, à l'allure sévère,

S'effacer et laisser place à nouveau, à des jardins de lumière,

Que le soleil fleurirait de roses trémières, de lilas blanc,

Embrassant de légères tonnelles aux visages souriants.

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Guinguette ou bal musette, rue du Moulin vert ?

On dit qu'autrefois un moulin déployait ses ailes de ce côté-là.

Il était ouvert aux quatre vents, à tous les vents que l'amitié rassemble.

Aujourd'hui, c'est autour d'un verre, que les amis se rencontrent

au restaurant du Moulin Vert.

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Arthur Rimbaud, le poète, dut s'égarer un jour en ce passage,

où il joua et perdit le « d » de son patronyme...

Beaucoup plus tard, cette lettre perdue fut remplacée

A propos d'un poème aux «  semelles de vent», par un « t », posé là, sans rime ni raison.

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17 septembre 2009

la rue Gauguet

Si vous êtes flâneur invétéré, alors, allez vous promener du côté de la rue de l'Aude et de la rue des Artistes. Vous découvrirez une rue "oubliée", propice à la rêverie, celle qui conduit là où vous n'avez jamais voulu aller. Vous vous laisserez ainsi porter par le sens de la marche, celle qui offre mille surprises.

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Salvador  Dali et et sa femme Gala s’installent au n° 7 rue Gauguet, dans le 14e, près du réservoir de Montsouris au mois de juillet 1932

Que peut-on voir rue Gauguet ? Un peintre ou plutôt l'atelier d'un peintre devenu célèbre, qui à 41 ans en 1955 a préféré quitter ce monde. Il s'agit de Nicolas de Staël, dont le Centre Pompidou a consacré une magnifique exposition en juin dernier.

Simple rue en impasse d'ailleurs. C'est là que Nicolas de Staël a donné toute sa démesure. En effet, l'atelier dont la hauteur de plafond atteignait les 8 mètres, permit au peintre de se "donner" à la peinture, celle-ci sauvage, à la mesure du physique de Nicolas. Délaissant le chevalet, accessoire suranné à ses yeux, il peint à même le sol, faisant exploser littéralement le cadre par trop conventionnel de ses prédécesseurs.

Mais si la rue Gauguet focalise ainsi l'attention par son aspect un peu démodé d'une rue de province, elle se découvre comme la mémoire revivifiée par le vent invisible de l'Art. Et d'ailleurs, cette rue à travers une toile du peintre, n'a-t-elle pas déjà voyagé en s'expatriant aux Etats-Unis : le Museum of Fine Arts de Boston l'ayant recueillie ?

Mais là, ne s'arrête pas la seule découverte essentielle à notre flânerie. Ce quartier, si proche du parc Montsouris, a vu un autre "initiateur" de Nicolas de Staël : Georges Braque. Celui-ci en a été un des premiers admirateurs et a reconnu de suite la violence, la puissance qui  émanaient des œuvres de Nicolas, le recevant dans sa maison située non loin, face au parc et baptisée rue Georges Braque...

Ainsi, de la rue Gauguet à la rue Georges Braque, un lien secret, une "correspondance" s'établit. C'est un couloir où l'imaginaire du promeneur  peut se nourrir des ombres qui ont fui depuis longtemps, mais qui par la magie de leur écho, sont toujours aussi présentes à notre esprit. Le bruit de nos pas s'inscrit alors dans la longue marche de deux peintres,  qui habitèrent en leur temps notre quartier et dont la renommée est devenue universelle.

R.R